Port des Barques

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dimanche 27 septembre 2020

Mérédith Le Dez, le destrier du temps bleu



         Destrier du temps bleu
         aux marches sans forêt
         éternellement assigné

         la coupure de midi
         aiguise sur le ciel
         tes reins flambés

         autrefois à l'ombre des arbres
         oh suave légende
         arquée de sueur vigoureuse

         Destrier du temps bleu
         indéfinissable cavale
         d'un sourire
         vers l'énigme

         l'air sur ma robe
         dessine des lierres de soleil
         à l'épaule arrêtés
         pour le signe du feu
         sur la pierre

         et plus secrètement
         palpitante
         l'algue réveillée

         Destrier du temps bleu
         dans le métal d'un matin
         tout en armes
         et piqueté d'aiguilles
         et pudiquement corseté 

         il y a
         odeur de fronde et neuves fougères
         figé tout un sang prêt à bondir
         aux cœur des flamboyants

         et dangereuse
         toute cette chaleur d'arbre trop vivant
         et si moite en vérité
         mal murée dans l'armure

         in Chanson de l'air tremblant, Mérédith Le Dez, Éditions de la lune bleue, 2016

Fougueux destrier, surgi on ne sait d'où, tu as traversé d'un bond l'espace dans un tumulte fulgurant.
Un masque de poussière dissimulait ton visage. Le lecteur a eu à peine le temps de lever les yeux de son livre, que déjà tu avais disparu sur l'horizon.
Ainsi s'installaient autrefois les "grandes vacances"! Le rêve a un peu rétréci mais il sollicite encore le lecteur distrait, il suffirait de se laisser faire…
À lire ces mots de femme, je sens craquer mille et une barrières! "La chanson de l'air tremble sur ma robe" tandis qu'à l'ultime page du recueil, la vague verte du graveur balaye toute retenue!!!

                                                        

vendredi 4 septembre 2020

Après tout un mois d'été à relire Christian Bobin

"Si vous me demandez quels sont les vrais trésors aujourd'hui, à l'heure qu'il est, à cette époque de ma vie, je répondrai: la patience et l'humeur bonne."

Ainsi s'exprimait Christian Bobin lors d'une interview accordée à François Busnel, parue dans le journal L'Express, le 11/02/2013.

"Il s'agit juste de faire un pas de côté, mais ce pas de côté fait que vous arrivez au paradis. Un paradis qui se trouve non pas ailleurs et demain mais ici et maintenant."

"Les paradis sur terre" sont choses bien gardées, ils se cachent souvent entre deux pages d'un livre. À nous de les y découvrir.

"Ceux-ci s'ouvrent en deux comme les fougères. Dans un dictionnaire du dix-septième siècle, on dit que les fougères portent, gravée sur leur racine, l'image d'un aigle aux ailes déployées. La vérité s'atteint toujours par un poème."

Assise devant mon écran, je me revois marchant, à l'automne, en forêt de Fontainebleau, en quête d'odorantes senteurs. C'est alors que l'auteur -décidemment contrariant- ajoute que "bien sûr la vie se moque de nos goûts"! Par bonheur, vingt pages plus loin, il avoue que "la vraie réponse c'est sans doute vivre simplement sans oublier de jouer. Les anges protègent les châteaux de sable, pas ceux de pierre."

Aussitôt, je revois mes enfants et leur père, bataillant contre la marée montante, afin de sauver leur énième château de sable de l'été!

Dans" Une bibliothèque de nuages" l'auteur qualifie ainsi la poésie: "On ne sait pas ce qu'est la poésie. On sait juste que c'est donner son sang aux anges qui passent."

En cette nouvelle année scolaire,réservons un peu de temps à la poésie et à ses bons anges!

Bibliographie: Christian Bobin, Un bruit de balançoire, folio 2019. Christian Bobin, Une bibliothèque de nuages, lettres vives 2006.