N'entre pas qui veut
dans la nuit du vent
dans son vertige où se dispersent
les lumières
et se creusent les solitudes.
Cet extrait, tiré de Vent dominant de Georges Drano, paru aux éditions Rougerie en 2014, nous
introduit gravement à l'automne à venir.
Si loin, le vent te borde
et allonge tes pas
Le souffle dont il s'empare
veut-il te retenir?
Un mot s'échappe
Une main passe
Il ne laisse rien revenir
Si vif qu'il t'arrête
dans le bois de la porte
Est-ce-là qu'il annonce
la route qu'on oublie ?
Et toi rêveuse
sur une terre où il ne peut entrer
Et ta voix
qu'il ne peut déplacer.
(Nikou)
in Vent dominant, éditions Rougerie, 2014, p.37
Le vent s'annonce comme l'inévitable compagnon avec lequel nous devrons négocier,
l'hiver prochain, nos sorties, nos cheminements mais également nos états d'âme.
Parfois un seul vent
nous emporte loin d'ici
en pleine terre, à découvert
Vent mal taillé
qui vide son sac
court sous les ombres
retourne les chemins
Jetés au vent les mots
avec la peau qui tremble
Vent mauvais
mauvaise lune passante
au ciel assombri.
ibid p.39
Georges Drano, breton d'origine, ainsi que je l'écrivais sur ce blog, en août 2015, reste un
militant écologiste fervent et un poète, qui soigne amoureusement sa vigne, dans l'Hérault.
Attentif depuis toujours aux éléments, il interpelle ici le Vent mal taillé, ce vent mauvais,
qui fouette des villages, qui laissent partir les chemins hors du temps.
À la cassure
le vent siffle
vif à l'arrête vive
sans détour
sans espacement
il coupe net à tout propos
il cingle
il nous découvre.
ibid p.44
Leurs colères, source d'incertitude à l'approche de la nuit, changent en nous l'abri de la
parole et nous éloignent de notre feu.
Notre équilibre s'en trouve chamboulé : "on a peine à se tenir au propre comme au figuré".
Porte condamnée à cause du vent
Le grand vent tenait la porte fermée, il fallait chercher une autre entrée dans la paroi
latérale à l'abri des bourrasques. Sur le parking les drapeaux claquaient en haut des
mâts, les fils électriques sifflaient. Avec nos sacs et nos caddies qu'il fallait sans cesse
ramener vers nous, nous ne pouvions nous approcher des marchandises tenues en respect
derrière les vitrines. Nous avons toujours connu quelque obstacle à franchir pour aller
là où nous pensions être mieux, mais cette fois c'est un large fleuve d'air vif, froid et
tumultueux qui nous barrait le passage.
(extrait)
ibid p.50
Le voleur de vent
Il cherchait le vent dans les plus petits détails du paysage, il l'attendait au coin des bois,
le guettait derrière les murs et les haies, le suivait le long des ruelles. Il soulevait les
pierres du chemin pour le surprendre.
Il voulait rabattre derrière lui le moindre courant d'air, recueillir le plus petit
frémissement qu'il sentait battre dans les feuillages. Le bruissement des herbes au bord
des fossés faisait naître en lui le désir de tout emporter.
Une fois reconnu, il savait garder le vent sur lui, dissimulé dans les doublures de ses
vêtements ou confondu avec les plis d'une écharpe. Loin des regards, il l'agrafait parfois
entre deux feuilles de papier et serré sous son bras il l'emportait vers un lieu sûr.
Là, il le disposait devant lui et d'une main dessus une main dessous il savait en saisir
les formes et les mouvements, en retenir les contours et les déchirures.
Il recevait les coups, les rafales, les bourrasques, il les sentait vibrer en lui.
Il reconnaissait enfin les saveurs d'un vent sans mémoire qui passe d'une parole à l'autre
sans jamais rêver de sa chute.
( À Philippe Jaminet )
ibid p.51
Adossé au mur
tu crois tenir le vent
dans tes cordes
mais il n'a qu'une hantise
trouver la sortie
et prendre la fuite
(extrait)
ibid p.23
Le prétendu voleur de vent se fait chimère. Ne perdure que le frisson engendré par le
poème, quand soudain, ses paroles nous confrontent au vide.
Vent d'hiver en plein été
Arête vive
dans l'immobilité de l'air chaud
Le cri qui n'a pu être retenu
nous découvre
serrés dans l'ombre
Ce qu'il laisse au ras du sol
est un éclat
qui monte sur toute la ligne
Une déchirure
Un fer sous la cendre
Après il n'y a plus rien.
ibid p.15
Bibliographie :
- Vent Dominant, Rougerie, 2014
- un précédent article de R.Fritel paru en 2015, sur le Temps bleu :