Port des Barques

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vendredi 23 octobre 2015

Christian Bobin : "cette brusque décision de ne jamais désespérer"

Christian Bobin a ses "aficionados," dont je suis. Chacun de ses livres est une plongée en poésie, prise pour art de vivre. Contempler, méditer, savourer avec lui sont d'inoubliables instants.
L' année 2015 voit la sortie de deux de ses livres, dits de célébration, si différents pourtant l'un de l'autre. J'ai parlé précédemment du premier sur Le Temps bleu, en mai dernier, il s'agissait de L'épuisement, paru en folio chez Gallimard en février 2015.

Le second, Noireclaire se veut un hommage posthume à sa première compagne, Ghislaine. Il parlera bien sûr à tous ceux et celles qui ont perdu un être cher, mais sa prose va bien au delà, il raconte la constance douce d'un accompagnement, qui défie le temps et l'usure des os. Son langage reste infiniment poétique, parce que la poésie lui colle à la peau et qu'il la vit au quotidien.

           J'ouvre un livre et c'est le ciel que j'ouvre: les fantômes chinois marchent sur la page en effaçant leurs pas. Ils ne sont plus eux-mêmes mais confidences de rivières, soies de feuillage, rumeur de nuages blancs.

Je veux tuer Christian Bobin.

in Noireclaire aux éditions Gallimard 2015, p.41

Par bonheur cet assassinat n'aura pas lieu et je vous propose de poursuivre avec moi cette découverte, dans un joyeux désordre.

           Je sens mon visage s'éclairer comme si le livre sur lequel je me penche était une bougie.

ibid p.26

           Lire prend mes mains, mon visage, mon temps, ma réserve d'espérance et change tout ça en silence, en bonne farine lumineuse de silence.

ibid p.46

           Un rien de plus et les poumons du langage éclatent, comme ceux des plongeurs qui remontent trop vite du fond de l'océan.

ibid p.27

          La vie d'écriture, à quoi la comparer sinon à la rêverie de l'oiseau, qui contemplant le ciel vide, oublie un instant la faim qui ravage le minuscule labyrinthe de ses entrailles?

ibid p.24

          L'écriture, quand je ne lui donne pas la main, je lui réserve toutes mes pensées, comme ce paysan qui au fond de son lit pense à ses bêtes, aux soins qu'il faudra leur donner au matin. Qui m'a appris à écrire? Sans doute la voûte bleutée des hortensias, le temps que mettait Dieu à venir et bien sûr ta nonchalance – cette brusque décision de ne jamais désespérer.
 
ibid p.15
 
           Le poète perce quelques trous dans l'os du langage pour en faire une flûte. Ce n'est rien mais le rien parle de l'éternel.
 
Personne n'est aussi seul que le son d'une flûte.
 
ibid p.63
 
            Quand une joie monte du papier blanc jusqu'à ma main, j'ai la certitude que personne n'est perdu.
 
ibid p.49
 
            La pluie fait ses écritures. Derrière le paravent des gouttes d'eau, des oiseaux prophétisent.
 
ibid p.15

 Pour conclure cette relation inédite de son dernier livre, je citerai cette phrase, qui figure sur la quatrième de couverture:
 
           C'est si beau ta façon de revenir du passé, d'enlever une brique au mur du temps et de montrer par l'ouverture un sourire léger.
 
            Le sourire est la seule preuve de notre passage sur terre.
 
ibid p.19
 
 
Bibliographie:
 
  1. Noireclaire, éditions Gallimard, 2015
Sur internet:
 
un article écrit le 2 mai 2015 sur Le Temps Bleu à propos de son livre
 L'épuisement paru chez Folio Gallimard en février 2015, dont voici le lien:
 
 
 
 

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