Voici venu le temps des vacances, celui des mises entre parenthèses, des ruptures et découvertes, des dépaysements et du renouveau. Le Temps bleu fait une pose, sans perdre de vue la poésie et ses poètes. Il reste bien sûr accessible par le lien habituel à ceux qui souhaitent le découvrir ou y revenir tout à leur aise.
En gage de retrouvailles, j'offre à vous tous, lecteurs, ce poème plein de tendresse et de fraternité de Jules Supervielle.
Le matin du monde
À Victor Llona
Alentour naissaient mille bruits
Mais si pleins encor de silence
Que l'oreille croyait ouïr
Le chant de sa propre innocence.
Tout vivait en se regardant,
Miroir était le voisinage
Où chaque chose allait rêvant
À l'éclosion de son âge.
Les palmiers trouvant forme
Où balancer leur plaisir pur
Appelaient de loin les oiseaux
Pour leur montrer leurs dentelures.
Un cheval blanc découvrait l'homme
Qui s'avançait à petit bruit,
Avec la Terre autour de lui
Tournant pour son cœur astrologue.
Le cheval bougeait des naseaux
Puis hennissait comme en plein ciel
Et tout entouré d'irréel
S'abandonnait à son galop.
Dans la rue, des enfants, des femmes,
À de beaux nuages pareils,
S'assemblaient pour chercher leur âme
Et passaient de l'ombre au soleil.
Mille coqs traçaient de leurs chants
Les frontières de la campagne
Mais les vagues de l'océan
Hésitaient entre vingt rivages.
L'heure était si riche en rameurs,
En nageuses phosphorescentes
Que les étoiles oublièrent
Leurs reflets dans les eaux parlantes.
In Gravitations, Matins du monde, Poésie/Gallimard, 1999, p.109/110
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