Parce que nous avons dormi
La tête sur la mousse
Dans les grottes des mots
Parcouru des labyrinthes
Les yeux sur les étoiles
Mais une boussole en poche
Piétiné des chemins d'ogre
Avec des bottes de Poucets
Penchés sur le plus fin caillou
Longé des ruches sans écouter
Le chant des abeilles
Derrière la grille
Plus pressant qu'une morsure
Piocheurs du vent
Nous aurons perdu notre route
Claire Malroux , Ni si lointain, Ligne d'Horizon, Le Castor Astral, 2004, p.38
Au sortir de "grottes virtuelles", nous revenons à la vie avec ces poèmes décapants de Claire Malroux.
L'auteur, qui fut aussi la talentueuse traductrice d'Emily Dickinson et de Wallace Stevens, nous les offre, aiguisés à souhait:
Plutôt qu'endosser l'habit commun sauf
À en élargir les déchirures être lettre
(L'être) au monde qui ne nous écrivit pas
Ou si mal, avec tant d'incohérence
Lettre portée sur la peau
Incorruptible et codée (Le courrier
Du tsar ses yeux crevés trouant les blizzards
Hélait l'enfant mais l'enfant fasciné
Par l'histoire ignorait le message)
Là où il court maintenant, ni lettre ni
Pelisse pour franchir les glaces, plus de
Plume douce à la joue ni de gants pour
Descendre dans la glaise balayer
Les chiures de soie du cerveau éclaté
ibid p.59
Les saisons s'envolent
On va son chemin
À marche forcée
Certains matins qui sont des soirs
On lève la tête
La lune se dissout dans un lait bleu
On boit
Cette drogue douce
Pour alléger le poids du havresac
D'autant plus lourd qu'il se vide
Ne plus voir ne prouve rien
ibid p.60
Dans l'orage du silence
Comme dans la jungle des bruits
Les jardins s'abolissent
Les forêts brûlent
Les semences se perdent
ibid p.61
Certaines choses demeurent intactes, ainsi du vert qui envahit le paysage, du bleu de l'azur et de l'or de l'amitié, elles ravivent notre désir d'écrire et nous convient à partager nos découvertes.
Entre, ciel
Ne reste pas par-dessus les toits si bleu si calme
ou autrement
Ne t'arrête pas à la vitre ou à notre œil
content de réfléchir nos images nos soleils
nos solitudes
d'offrir serre à nos plantes et volière
à nos oiseaux
Ne garde pas le silence: entre ou plutôt
envahis-nous
descends dans nos poumons
assiège notre cœur
mets ta langue vierge dans notre bouche évidée
in Ni si lointain, Conversations, p.101
Bibliographie:
- Ni si lointain, Claire Malroux, Le Castor Astral, 2004
sur internet:
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