Port des Barques

Port des Barques

lundi 25 mai 2020

Claire Malroux, s'il existe encore des grottes de mots





          Parce que nous avons dormi
          La tête sur la mousse
          Dans les grottes des mots

          Parcouru des labyrinthes
          Les yeux sur les étoiles
          Mais une boussole en poche

          Piétiné des chemins d'ogre
          Avec des bottes de Poucets
          Penchés sur le plus fin caillou

          Longé des ruches sans écouter
          Le chant des abeilles
          Derrière la grille

          Plus pressant qu'une morsure
          Piocheurs du vent
          Nous aurons perdu notre route

          Claire Malroux , Ni si lointain, Ligne d'Horizon, Le Castor Astral, 2004, p.38

Au sortir de "grottes virtuelles", nous revenons à la vie avec ces poèmes décapants de Claire Malroux.
L'auteur, qui fut aussi la talentueuse traductrice d'Emily Dickinson et de Wallace Stevens, nous les offre, aiguisés à souhait:

          Plutôt qu'endosser l'habit commun sauf
          À en élargir les déchirures être lettre
          (L'être) au monde qui ne nous écrivit pas
          Ou si mal, avec tant d'incohérence
          Lettre portée sur la peau
          Incorruptible et codée (Le courrier
          Du tsar ses yeux crevés trouant les blizzards
          Hélait l'enfant mais l'enfant fasciné
          Par l'histoire ignorait le message)
          Là où il court maintenant, ni lettre ni
          Pelisse pour franchir les glaces, plus de
          Plume douce à la joue ni de gants pour
          Descendre dans la glaise balayer
          Les chiures de soie du cerveau éclaté
   
          ibid p.59

          Les saisons s'envolent
          On va son chemin
          À marche forcée

          Certains matins qui sont des soirs
          On lève la tête
          La lune se dissout dans un lait bleu
          On boit

          Cette drogue douce
          Pour alléger le poids du havresac
          D'autant plus lourd qu'il se vide

          Ne plus voir ne prouve rien

          ibid p.60

          Dans l'orage du silence
          Comme dans la jungle des bruits
          Les jardins s'abolissent
          Les forêts brûlent
          Les semences se perdent

          ibid p.61

Certaines choses demeurent intactes, ainsi du vert qui envahit le paysage, du bleu de l'azur et de l'or de l'amitié, elles ravivent notre désir d'écrire et nous convient à partager nos découvertes.

           Entre, ciel

           Ne reste pas par-dessus les toits si bleu si calme
           ou autrement

           Ne t'arrête pas à la vitre ou à notre œil
           content de réfléchir nos images nos soleils
           nos solitudes
           d'offrir serre à nos plantes et volière
           à nos oiseaux

           Ne garde pas le silence: entre ou plutôt
           envahis-nous
           descends dans nos poumons
           assiège notre cœur
           mets ta langue vierge dans notre bouche évidée

           in Ni si lointain, Conversations, p.101
     



Bibliographie:
  • Ni si lointain, Claire Malroux, Le Castor Astral, 2004

sur internet:

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