Port des Barques

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vendredi 5 juin 2020

Salah Stétié, en hommage à ce goût violent de la poésie



                   Le livre est écrit, achevé, l'ange a replié la montagne
                   Et seulement dans le jour finissant un homme
                   Debout dans la fluidité des arbres.

                   in Fiançailles de la fraîcheur, Méditation sur la mort d'une figue (extrait), 
                   Imprimerie nationale Éditions, Collection La Salamandre, 2003, p.122

 J'ai découvert la voix du poète libanais, Salah Stétié, en juillet 2013, à Sète, lors du "Festival des Voix Vives, de méditerranée en méditerranée".
Les notes, que je vous partage aujourd'hui, en hommage à l'homme qu'il fut, datent de cette toute première rencontre.

        Nos travaux alimentaires sont souvent des impasses. Nous sommes dans l'expérience de la 
     parole, peut-être le plus grand des mystères. Ces ondes physiques qui traversent nos trompes
    d'Eustache nous permettent d'aller plus loin dans la communication et nous aident à vivre et à
    survivre.
 
    Le lien avec la Méditerranée et la poésie est un pacte entre elles. La poésie est d'abord voyage.
    Il y a les Phéniciens, Carthage, ou "lieu du pèlerinage " en phénicien, et toutes les villes qui
    commencent par "Mars".
    Ils étaient des caboteurs, qui suivaient les côtes, ils ont trouvé alors l'étoile polaire et l'ont gardée
    sans se trahir pendant six siècles; les Grecs ne l'ont appris que par traîtrise.
    Émerveillement puis désenchantement...car la Méditerranée ouvre l'espace nostalgique
    d'un retour.
    Ainsi dans L'Iliade et l'Odyssée, le livre noir, dont le mot grec a pour sens, le trouble, la
    mésaventure et le péril du retour, les îles sont toujours des femmes.
    Homère n'a pas été le seul certainement. Borges dit qu'Homère est aveugle parce que le monde de
    la poésie est invisible. Il ne raconte pas ce qu'il voit mais ce qu'il tire de lui-même; il s'agit d'un
    lieu sans lieu, où la poésie est la déroutée, la déchirée, la non-apaisée...Idée qu'affirme Héraclite.

    La poésie est l'un et son contraire; il faut toujours avoir deux idées "l'une pour tuer l'autre" disait
    Braque.
   
    Que l'ivresse soit complète c'est possible en Méditerranée . La panique verbale était à
    maîtriser, l'alexandrin est né à Alexandrie !
    Ainsi le navigateur fut jeté par son propre vertige dans l'univers marin de la Méditerranée ! Il y
    fondera un empire!

    Le destin se place entre l'homme et son étoile. Le summum a lieu entre le 12ème et 13ème siècle,
    en Andalousie, toutes cultures et religions jointes. Je suis nostalgique de cette Andalousie-là!

   Le destin des miracles est de ne pas pouvoir durer. "Garder la mémoire" signifie méditer l'oubli !
 
   La Méditerranée est la mer d'entre les terres. À Séville, chez Pierre Le Cruel, on ne parlait que
   l'arabe, à Grenade, on ne parlait que l'espagnol parce que les princes n'épousaient que des femmes
   espagnoles.

   Le Liban était une Andalousie, 19 confessions y vivaient en harmonie…
   Toute "Andalousie" serait - elle vouée à être perdue?
   Or, rien n'est jamais ni perdu, ni gagné d'avance; l'excès d'expérience est le mode le plus
   pernicieux de l'inexpérience!
   Il reste à reconquérir ce sens, qui est un goût violent de la poésie!

   Je suis heureuse de pouvoir partager avec vous ces notes, qui traduisent en mots l'engagement
   du poète et de l'homme de grande qualité, qu'il fut.

Né en 1929, à Beyrouth, il fut par la suite ambassadeur du Liban à l'Unesco, aux Pays-Bas, et au Maroc, puis secrétaire général du Ministre des Affaires Étrangères.
Son œuvre fut couronnée de nombreux prix, notamment le Grand Prix de la Francophonie de l'Académie française, le Grand prix européen de poésie de Smederevo, et le Grand prix international des Biennales internationales de Liège.

Et pour en savoir davantage , je vous invite vivement à cliquer sur les liens ci-dessous, qui vous donneront accès à deux beaux articles, écrits à son propos par deux de mes plus fidèles amis, et mis
en ligne sur le blog de La Pierre et le sel, en 2011 et 2013.

sur internet:

    
        

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