Port des Barques

Port des Barques

vendredi 3 février 2017

Marie Huot les chemins du rêve sont aussi ceux de la vie



                                  10

         Une femme aux yeux de menthe est couchée dans sa solitude
         quand elle lève son visage et qu'on la voit
         on l'aime longtemps
         on la dessine sur les murs des chapelles
         on la cherche partout
         dans les forêts les plus denses
         au bord de toutes les rivières
         sous les mers les lacs
         à travers les montagnes les jungles
         on la cherche partout
         on l'aime.
         La femme aux yeux de menthe a une douceur muette
         que l'on ne connaît pas.
         On voudrait s'allonger contre son flanc
         traverser sa neige éternelle sur la pointe des pieds.
         Laisse moi m'approcher belle claire
         a murmuré quelqu'un dans la nuit.

        in Douceur du cerf, éditions Al Manar 2013

                                 11

        Pour que la femme aux yeux de menthe brode son motif
        il faut tenir sa main
        et souffler lentement dans son cou.
        Il faut tout lui apprendre
        elle est si petite enfant.
        Quelqu'un dans la nuit en est tant ému
        qu'il s'enroule dans sa peau d'ours et aussitôt s'ensommeille.

        ibid.


 

                                  14

         Le cerf a retourné sa couleur à l'intérieur de lui.
         il sait qu'on ne le mangera pas
         il vient au monde très lentement
         les paupières baissées sur un fil d'horizon.
         Il garde un mystère premier
         être est fragile
         être tremble sous la peau des biches
         être s'amenuise
         mais sur être on peut construire une joie.

         ibid

Ces textes, publiés en 2013 aux éditions Al Manar, semblent célébrer une résurrection. Ils sont accompagnés de dessins de Diane de Bournazel, qui accentuent leur mystère et leur charme onirique.

Des disparus, des voix perdues, comme les nomme le poète, flottent entre les lignes. Ainsi en est-il du grand-père, marin :

                             24

        Ce que je sais de mon grand-père
        sont trois choses qui penchent à l'intérieur de moi
        un sommeil dans les vignes
        un pont miné sous l'ennemi
        et le jasmin de Damas.
        Grand-père ! Grand-père ! c'est peu !
        comment alimenter ma petite mythologie ?

        ibid

Sans cette formulation "trois choses qui penchent à l'intérieur de moi" le texte serait banal, la poésie tient parfois à un cheveu ...

                             25

        Le soir nous déplions un paysage après l'autre.
        Nous installons notre théâtre de poche.
        Les champs de blé claquent au vent
        derrière la grand voile.
        Sous le damassé vert-bleu de ma cape
        des forêts se soulèvent
        avec leur herbe douce et brillante.
        On dessine quelques chemins de neige
        à la craie sur le pont.
        L'air englue chaque saison dans un même élan.

        ibid 25

Visite au petit matin, paru précédemment, contait la naissance d'une amitié et s'accompagnait pour la première fois d'illustrations de Diane de Bourzanel

         Je te regarde
         Je vois ta solitude de rêveur de chandelle

Tu déposes tes questions
         dans de muets personnages
         Ils nous font signe de la main derrière la vitre
         Nous cherchons leurs noms dans notre mémoire
         Nous espérons qu'ils nous éclairent le chemin

         in Visite au petit matin, Al Manar, illustrations de Diane de Bournazel, 2011
 
 



 



 
Marie Huot est née en 1965, elle vit à Arles, où elle est bibliothécaire. Elle a participé au 1er Festival de Poésie de Sète, en 2010 . Ne manquez pas de consulter les liens indiqués ci-dessous, qui vous en diront davantage.

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