L'une d'elle est consacrée à Michele Zaffarano, poète italien, né à Milan en 1970, qui s'inscrit selon l'éditeur dans un courant de renouveau de la poésie italienne, cherchant un mode d'expression éloigné tout autant du pur formalisme que du repli vers le lyrisme traditionnel.
Le poète s'adresse à ses lecteurs dans un style volontairement descriptif, comme le ferait un explorateur découvrant l'étrange mode de vie d'habitants d'une planète oubliée.
J'ai d'abord pensé aux récits du Gulliver de Jonathan Swift, mais en beaucoup moins imaginatifs.
Je me suis figuré en lisant son poème Le Livre que suite à un séisme planétaire de grande amplitude, un vieil érudit retrouvait au cours de fouilles un livre et qu'il en dressait pour ses congénères le descriptif et le mode d'emploi précis.
Il m'est revenu également en mémoire la vision, en 1979, dans une grande librairie de Léningrad de familles se pressant autour de vitrines closes pour contempler, tels d'inestimables trésors, des livres d'art venus de pays étrangers.
C'est un signe, Michele Zaffarano, que vos livres font rêver et même voyager et que votre humour est parfaitement perçu par un lecteur curieux.
Le livre
Souvent jusque dans les plus
petits villages
dans les villages les plus perdus
il y a une librairie
avec peut-être des livres célèbres
en édition économique.
Dans ces magasins
il n'est pas rare
de trouver des volumes
d'occasion
vendus à un prix
plus bas
que celui qui est écrit
au dos de la couverture.
Un livre nous commençons à le lire
en partant
de la couverture
qui souvent entoure
les pages du livre.
Pour poursuivre la lecture
nous nous mettons à lire
le véritable
contenu imprimé
du livre.
Sur le frontispice
sont écrits
le titre et le nom
de l'auteur,
dans l'introduction
nous trouvons
une introduction au livre
écrite parfois
par un personnage
célèbre ou important,
sur la page de la dédicace
l'auteur du livre
dédie le livre
à quelqu'un qu'il connaît
ou à quelqu'un
qu'il ne connaît pas.
Avant le texte du livre
il y a la liste
des titres des différents chapitres
des différentes parties
(normalement on l'appelle
table des matières).
Après le texte du livre
nous pouvons trouver
le glossaire
autrement dit un inventaire
de quelques uns des mots
utilisés dans le livre
avec le
sens
correspondant,
nous pouvons trouver
la bibliographie
autrement dit un inventaire
d'autres livres
utilisés dans le livre
comme références,
nous pouvons trouver
une autre table des sujets et des noms
autrement dit une page
où sont inventoriés
les sujets et les noms
utilisés dans le livre
mais par ordre alphabétique
( normalement elle est appelée
index).
Pour créer un livre
sont nécessaires
deux opérations distinctes
l'impression
et la reliure.
in Cinq textes y compris les arbres (plus un), traduits de l'italien par Olivier Favier, éditions Alidades-bilingues 2016, p.p.22 à 27
Souvenons-nous de cette description minutieuse d'un livre, ainsi que du sens et de l'usage précis de mots d'origine latine ou grecque employés: frontispice, dédicace, glossaire, index, bibliographie...Ils pourraient bien disparaître de nos dictionnaires un jour prochain.
Les autodafés de livres, passés et présents restent gravés dans nos mémoire comme les images du film de Truffaut, inspiré du roman américain, Fahrenheit 451.
Michele Zaffarano décrit de la même manière les maisons, leurs différents types et aménagements, les fleurs et les jardins, les arbres et le printemps, comme s'ils risquaient à tout moment de disparaître.
Un avant-propos, ironique et désenchanté, Connaissance de la douleur, raconte une vieille histoire celle de la lutte des classe, à partir d'un texte de Antnio Gramsci, membre fondateur du parti communiste italien, publié en 1920 : Lorsqu'en économie, lorsqu'en politique il y a une classe (c'est la classe bourgeoise) qui décide de tout le processus révolutionnaire (concret) ne devient réalité que dans des lieux souterrains et obscurs, dans l'obscurité des usines ou celle des consciences (par exemple).(...) Dans ce cadre les rapports pris en compte ne sont plus ceux entre citoyen et citoyen, mais ceux entre exploiteur et exploité, ce processus révolutionnaire (concret) s'accomplit quand le travailleur n'est rien mais veut devenir tout contre le pouvoir du propriétaire illimité sur le travailleur (par exemple) sur la femme du travailleur (par exemple) sur les enfants du travailleur (par exemple).
La postface est de la main du poète italien, Carlo Bordini, à qui est également dédié ce livre et qui partage avec l'auteur la même ironie désabusée. Il nous invite à Regarder avec humour et tendresse cet ami poète, auteur de poèmes civils, ainsi qu'il est dit dans l'en-tête de cette plaquette. En voici un extrait :
Michele Zaffarano décrit le monde comme le ferait un martien arrivé par hasard sur Terre. Il
dirait: les humains ont deux jambes, deux bras et une tête. Il dirait cela parce que les
martiens n'ont jamais vu d'humains et que cette nouvelle pour eux est importante.
Michele Zaffarano fait la même chose, et il feint d'être un martien. Peut-être est-il un martien.
Autrement dit, peut-être se considère-t-il à ce point étranger à ce monde qu'il l'observe comme
s'il n'y était pour rien. Il le regarde de l'extérieur. Entendons-nous: ceci n'est pas une critique
sociale: c'est le manifeste d'une parfaite non-appartenance.
(...)
Et au fond, il se comporte comme un enfant qui voit le monde pour la première fois et
découvre que les arbres sont des arbres. Les enfants, comme le martien, comme Zaffarano,
ont besoin de découvrir le monde. Et comme des enfants ils aident les adultes à voir des
choses qu'ils voyaient sans plus s'en rendre compte, parce que l'enfant découvre le monde et
le transmet aux adultes, Zaffarano nous transmet cette conscience ou cet avertissement:
regardez.
ibid p.42
Carlo Boldini, présent au Festival de poésie de Sète 2013, ne vous est pas inconnu. Un article rédigé à son propos reste accessible sur La pierre et le sel, dont vous trouverez plus bas le lien.
Bibliographie:
- Cinq textes y compris les arbres (plus un) éditions alidades.bilingues 2016
Sur internet:
- extraits de poèmes de Michele Zaffarano http://www.sitaudis.fr/Poemes-et-fictions/beau-comme-un-prince.php
- à propos de Carlo Bordini, voir l'article de Roselyne Fritel paru sur La pierre et le sel : http://pierresel.typepad.fr/la-pierre-et-le-sel/2013/11/carlo-bordini-p%C3%A9ril-en-la-demeure.html
- à propos de Gramsci: https://www.google.fr/#q=gramsci
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