Port des Barques

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vendredi 15 avril 2016

Michele Zaffarano un regard sur le monde, y compris les arbres

Les éditions Alidades m'ont adressé récemment deux petites plaquettes sous manchettes illustrées de deux poètes étrangers inconnus en France et édités par leurs soins en version bilingue.

L'une d'elle est consacrée à Michele Zaffarano, poète italien, né à Milan en 1970, qui s'inscrit selon l'éditeur dans un courant de renouveau de la poésie italienne, cherchant un mode d'expression éloigné tout autant du pur formalisme que du repli vers le lyrisme traditionnel.

Le poète s'adresse à ses lecteurs dans un style volontairement descriptif, comme le ferait un explorateur découvrant l'étrange mode de vie d'habitants d'une planète oubliée.
J'ai d'abord pensé aux récits du Gulliver de Jonathan Swift, mais en beaucoup moins imaginatifs.
Je me suis figuré en lisant son poème Le Livre que suite à un séisme planétaire de grande amplitude, un vieil érudit retrouvait au cours de fouilles un livre et qu'il en dressait pour ses congénères le descriptif et le mode d'emploi précis.
Il m'est revenu également en mémoire la vision, en 1979, dans une grande librairie de Léningrad de familles se pressant autour de vitrines closes pour contempler, tels d'inestimables trésors, des livres d'art venus de pays étrangers.

C'est un signe, Michele Zaffarano, que vos livres font rêver et même voyager et que votre humour est parfaitement perçu par un lecteur curieux.

          Le livre

          Souvent jusque dans les plus
          petits villages
          dans les villages les plus perdus
          il y a une librairie
          avec peut-être des livres célèbres
          en édition économique.
          Dans ces magasins
          il n'est pas rare
          de trouver des volumes
          d'occasion
          vendus à un prix
          plus bas
          que celui qui est écrit
          au dos de la couverture.
          Un livre nous commençons à le lire
          en partant
          de la couverture
          qui souvent entoure
          les pages du livre.
          Pour poursuivre la lecture
          nous nous mettons à lire
          le véritable
          contenu imprimé
          du livre.
          Sur le frontispice
          sont écrits
          le titre et le nom
          de l'auteur,
          dans l'introduction
          nous trouvons
          une introduction au livre
          écrite parfois
          par un personnage
          célèbre ou important,
          sur la page de la dédicace
          l'auteur du livre
          dédie le livre
          à quelqu'un qu'il connaît
          ou à quelqu'un
          qu'il ne connaît pas.
          Avant le texte du livre
          il y a la liste
          des titres des différents chapitres
          des différentes parties
          (normalement on l'appelle
          table des matières).
          Après le texte du livre
          nous pouvons trouver
          le glossaire
          autrement dit un inventaire
          de quelques uns des mots
          utilisés dans le livre
          avec le
          sens
          correspondant,
          nous pouvons trouver
          la bibliographie
          autrement dit un inventaire
          d'autres livres
          utilisés dans le livre
          comme références,
          nous pouvons trouver
          une autre table des sujets et des noms
          autrement dit une page
          où sont inventoriés
          les sujets et les noms
          utilisés dans le livre
          mais par ordre alphabétique
          ( normalement elle est appelée
          index).
          Pour créer un livre
          sont nécessaires
          deux opérations distinctes
          l'impression
          et la reliure.

          in Cinq textes y compris les arbres (plus un), traduits de l'italien par Olivier Favier, éditions Alidades-bilingues 2016, p.p.22 à 27

Souvenons-nous de cette description minutieuse d'un livre, ainsi que du sens et de l'usage précis de mots d'origine latine ou grecque employés:  frontispice, dédicace, glossaire, index, bibliographie...Ils pourraient bien disparaître de nos dictionnaires un jour prochain.
Les autodafés de livres, passés et présents restent gravés dans nos mémoire comme les images du film de Truffaut, inspiré du roman américain, Fahrenheit 451.

Michele Zaffarano décrit de la même manière les maisons, leurs différents types et aménagements, les fleurs et les jardins, les arbres et le printemps, comme s'ils risquaient à tout moment de disparaître.

Un avant-propos, ironique et désenchanté, Connaissance de la douleur, raconte une vieille histoire celle de la lutte des classe, à partir d'un texte de Antnio Gramsci, membre fondateur du parti communiste italien, publié en 1920 : Lorsqu'en économie, lorsqu'en politique il y a une classe (c'est la classe bourgeoise) qui décide de tout le processus révolutionnaire (concret) ne devient réalité que dans des lieux souterrains et obscurs, dans l'obscurité des usines ou celle des consciences (par exemple).(...)  Dans ce cadre les rapports pris en compte ne sont plus ceux entre citoyen et citoyen, mais ceux entre exploiteur et exploité, ce processus révolutionnaire (concret) s'accomplit quand le travailleur n'est rien mais veut devenir tout contre le pouvoir du propriétaire illimité sur le travailleur (par exemple) sur la femme du travailleur (par exemple) sur les enfants du travailleur (par exemple).

La postface est de la main du poète italien, Carlo Bordini, à qui est également dédié ce livre et qui partage avec l'auteur la même ironie désabusée. Il nous invite à Regarder avec humour et tendresse cet ami poète, auteur de poèmes civils, ainsi qu'il est dit dans l'en-tête de cette plaquette. En voici un extrait :
          
            Michele Zaffarano décrit le monde comme le ferait un martien arrivé par hasard sur Terre. Il
            dirait: les humains ont deux jambes, deux bras et une tête. Il dirait cela parce que les
            martiens n'ont jamais vu d'humains et que cette nouvelle pour eux est importante.
            Michele Zaffarano fait la même chose, et il feint d'être un martien. Peut-être est-il un martien.
            Autrement dit, peut-être se considère-t-il à ce point étranger à ce monde qu'il l'observe comme
            s'il n'y était pour rien. Il le regarde de l'extérieur. Entendons-nous: ceci n'est pas une critique
            sociale: c'est le manifeste d'une parfaite non-appartenance.
            (...)
            Et au fond, il se comporte comme un enfant qui voit le monde pour la première fois et
            découvre que les arbres sont des arbres. Les enfants, comme le martien, comme Zaffarano,
            ont besoin de découvrir le monde. Et comme des enfants ils aident les adultes à voir des
            choses qu'ils voyaient sans plus s'en rendre compte, parce que l'enfant découvre le monde et
            le transmet aux adultes, Zaffarano nous transmet cette conscience ou cet avertissement:
            regardez.

            ibid p.42

Carlo Boldini, présent au Festival de poésie de Sète 2013, ne vous est pas inconnu. Un article rédigé  à son propos reste accessible sur La pierre et le sel, dont vous trouverez plus bas le lien.

Bibliographie:

  • Cinq textes y compris les arbres (plus un) éditions alidades.bilingues 2016

Sur internet:

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