Beaucoup de sagesse...
Quels souhaits formuler pour les hommes en ce moment où la folie
et la brutalité se sont mises, une fois de plus, au premier rang?
La paix n'est déjà plus qu'une feuille sans poids qui vibre et tourne
au vent qui annonce l'orage.
Quels vœux si ce n'est d'abord que leur intelligence et leur sagesse
politique augmentent en raison directe des merveilleux et inquiétants
progrès accomplis dans le domaine scientifique afin qu'ils cessent d'être
pour eux l'angoissante menace d'une effroyable arme à double tranchant.
Des vœux pour qu'ils soient préservés, par cette lucidité et cette
force de jugement, du désordre et du chaos où semble les entraîner
la perpétuelle et frénétique poursuite d'un nouvel ordre dont la
moindre occasion permet de constater qu'il sera certainement et
insupportablement pire que l'ancien.
Et des vœux enfin pour que ne les abandonne pas la chance. Cette
chance qui fait que le monde existe encore, malgré l'erreur et la
sottise, les travaux et les peines dont il a eu à supporter la charge
écrasante de tous temps.
Mais, cette fois-ci, la chance de pouvoir bien sentir et
comprendre que la responsabilité et les risques augmentent avec la
puissance, et que le feu avec lequel il ne faudrait pas trop imprudem-
ment jouer aujourd'hui est plus ardent que celui dont il fallait se
méfier hier et qu'il faut plus que jamais savoir s'arrêter à temps.
Et pour la France, ce sont, bien entendu, les mêmes, avec un peu
plus de sévérité et de tendresse seulement.
(Le Figaro littéraire, 29 décembre 1956)
in Écrits sur l'Art et sur la Poésie, Pierre Reverdy, Œuvres complètes, Tome II, Flammarion 2010, p.1.323
Le poème qui suit est également de Pierre Reverdy, il célèbre le passage de l'an et le lever de la lune comme cette photo prise de ma fenêtre le 24 décembre dernier.
Fronton
Le soir se dégageait des murs tournants
Un long manteau traînait derrière
Une voix douce le long des portes
Et sans mélancolie
On écoutait
On attendait aussi
La nuit
Et le ciel nouveau qui viendrait
D'un bout à l'autre du cirque l'air vibrait
Et l'eau glissait sous la fontaine
Au milieu de la place où naît le jour
Quand l'horizon s'entr'ouve à peine
De l'autre coté il y a des ombres qui s'en vont
Des rumeurs qui s'élèvent au-dessus des maisons
D'autres portes qui s'ouvrent
Et les fenêtres boivent
À la façade où coulent les rayons
Enfin personne ne regarde
Pas un seul ne fait attention
À cette tête ronde et large
Qui tourne et rit près du balcon
in Œuvres complètes, tome II, Pierres blanches, Flammarion 2010, p.252
Bibliographie:
- Pierre Reverdy, œuvres complètes, tomes I et II, Flammarion 2010
- un article d'Hélène Millien à propos de Pierre Reverdy sur la Pierre et le Sel
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