dans le temps
Il lui faut l'absence pour durer
Et la surface d'une eau
Où ce qui passe ne revient pas.
in À jamais le lac, éditions Editinter 2011, p.11
En juillet 2013, interrogé par Gérard Meudal, durant le Festival de Poésie de Sète, Georges Drano disait à propos de la poésie:
La pratique de la poésie c'est montrer la réalité sous-jacente à ce qu'on voit et on voit tous autrement.
En ce domaine le poète fait preuve d'une grande originalité.
Traverser le village, aller au lac.
Rien à convaincre, rien à suivre.
Il faut de l'acquiescement pour
reprendre le trajet dédié à l'invi-
sible présence. Il faut de l'aban-
don pour dire un autre jour qui
n'est plus dans la lumière, une
autre voix qui n'est plus dans
le jour.
ibid p.16
Ainsi introduit-il dans sa poésie autant de simplicité que de profondeur. Avec une économie de mots, il fait le choix d'éléments de la nature dont il révèle les dessous et l'immanence. Ainsi un lac, des friches, des buissons, un vieux mur ou la lumière sous la porte font-ils l'objet de tout un recueil et se révèlent proches de l'insaisissable. Ainsi Les buissons que traverse la nuit connaissent l'obscur voyage de la lumière.
D'origine bretonne, Georges Drano a vécu en Vendée où il était enseignant. Il a milité avec succès pour la défense des talus, des haies, des bocages et des marais salants de Guérande. Il est maintenant installé dans l'Hérault, où il a une vigne.
Présence discrète mais attentive, il accompagne depuis plusieurs années, avec son épouse et poète Nicole Drano-Stamberg, les riches heures du festival de poésie de Sète.
À jamais le lac, paru en 2011, nous introduit à cette présence silencieuse de l'eau:
Aucun village ne porte
le nom du lac
Il se tient où les mots
ne suffisent plus.
Village près du lac
Sans savoir qui garde l'autre
*
Sans le lac qui nous retenait
aurions-nous parcouru le
pays en tous sens. Rien que
nos pas dans le partage du
sentier vers les collines sans
horizon. Le contenu de la
main laissé à l'air, le contour
de la parole au son imprévisible.
Aiguilles aux lèvres,
brindilles au vent.
Persévérance d'un lieu où
perdre son nom n'est qu'un
murmure.
*
Le lac ne s'ouvre pas
L'eau n'a pas de trace
Elle éloigne les questions
En bas du temps
Elle ne retient rien
Elle reçoit.
ibid p.22/23/24
Cette méditation sur la place de l'homme dans la nature se déroule sur un ton amical, qui n'est jamais ennuyeux ou pédant. Observant de même un vieux mur, un sentier, un buisson, il est à l'écoute de la vie qu'il traduit avec finesse et sensibilité.
Le paysage que tu traverses
et que tu sens grandir en toi
Connais-tu son histoire
sans te retourner
Des terres lentement
remontent au visage
Odeur d'eau battue
levée dans les herbes
Glissement des pierres
de l'ombre au demi-jour
À peine ébauché
Le sentier que tu empruntes
est une part de toi
sans cesse à gravir.
ibid p.32
Le lecteur, ainsi "enseigné", perçoit la nature sous ces aspects les plus humbles et se sent invité à s'en faire le défenseur.
L'enfant qui court sur la rive
entend-il à ses cotés
le bourdonnement des abeilles
Où se cache-t-il?
Dans l'espace qui nous sépare
il va.
Le silence n'est pas un partage
Il naît du tremblement des mots.
Toujours sur la rive opposée
il passe (il s'éloigne).
ibid p.52
Avec lui nous devenons ces:
Nageurs libres dans le bruit indécis
de l'eau démêlant de leurs bras ou-
verts ce qui bouge encore en eux de
ce corps réel où la mort se tient
en elle-même.
ibid p.54
Dans l'entretien de Sète, il précisait qu' "on n'apprend pas à écrire de la poésie, pas même dans les ateliers d'écriture. On apprend, ou on vient à la poésie, en écoutant ou en se nourrissant de la poésie des autres. Les autres sont des "lanceurs".
En cela, il s'inscrit pleinement dans le projet de ce blog.
Une fois vendangée
La vigne
ne se referme pas
Elle reste
avec tout ce qui reste
sans réponse.
in Premier soleil sur les buissons, Rougerie 2009, p.35
Bibliographie consultée:
- Premier soleil sur les buissons, Rougerie 2009
- Un mur de pierres sèches, Atelier La Feugeraie 2009
- À jamais le lac, Editinter 2011
sur internet:
- http://revue-texture.fr/la-difficulte-d-habiter-le-monde.html
- http://loiseaudefeudugarlaban.blogspot.fr/2010/10/nicole-et-georges-drano-un-couple-de.html
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