Port des Barques

Port des Barques

vendredi 14 février 2020

Jean Debruynne, j'irai les pieds nus jusqu'à l'inconnu



         Quand un oiseau fait le printemps
         il n'en dit rien à l'antenne
         ni aux journaux, ni à l'écran.
         Il ne fait rien pour qu'on l'apprenne.

         Quand un oiseau fait le printemps
         il ne fait que rendre la justice
         et il le fait le cœur battant
         sans tirer aucun bénéfice.

         Quand un oiseau fait le printemps
         il fait à lui seul des merveilles.
         Il refait le monde en chantant
         et même, il fait des jeunes avec des vieilles.

         Il n'en tire aucune gloire
         et pourtant, depuis tout le temps,
         le monde a toujours feint de croire
         qu'un oiseau ne fait pas le printemps.

         in Divers et de Printemps, Jean Debruynne, Le Nouvel ATHANOR, 2020, p.20

La voix de Jean Debruynne, résonne de nouveau dans ce recueil posthume, tout récemment paru.

         Sous tes cheveux, y a des saisons
         sous tes lèvres, y a deux pêches
         sous ton front, y a ta maison
         et sous tes yeux y a de l'eau fraîche.

         ibid p.25

Les mots allègres et généreux que sont les siens, nous poussent à regarder l'autre et à oser aller à sa rencontre.

         Un visage
         est de passage
         au joli mois de mai.
         J'irai donc désormais
         marcher sans chaussures
         jusqu'à ma blessure.
         J 'irai les pieds nus
         jusqu'à l'inconnu.

         ibid p.27

Car dit-il la vie, la mort et le malheur dorment aux mêmes cimetières :

         Petits marchands de la misère
         commerçants de tout et de rien
         vendeurs d'étoiles et de poussières
         le cœur caché sous un vaurien.

         La rue leur fait la grande école.
         Un peu de rire est leur repas.
         Ils sont ingénieurs en bricole.
         Ils font cinq danses en quatre pas.

         Ils emploient des mots qu'eux seuls disent.
         Ils voient ce qu'il ne faut pas voir
         mais la nuit, la lune est assise
         sur le coussin de leurs yeux noirs.

         ibid p.32

 Les mots, ici, disent souvent bien davantage que ce que nous prétendions savoir :

         Les mots sont des paysages.

         Les uns ont des dents
         les autres, des baisers.
         Les uns rentrent dedans
         les autres sont blasés

         Mais tous sont des visages.

         Ils ont des yeux pour ne pas voir
         des oreilles pour ne pas entendre
         des consonnes qui ne veulent rien savoir
         et des voyelles pour être tendres.

         Les mots sont des mots d'usage.

         ibid p.35

À nous de goûter à ces mots fervents de l'homme de foi et du poète que fut Jean Debruynne et à en faire bon usage autour de nous, afin qu'un jour la paix ouvre la danse aux justices et aux libertés !


Pour en savoir davantage sur l'auteur, je vous invite vivement à lire l'article paru précédemment sur le Temps bleu.
http://lintula94.blogspot.com/2016/10/jean-debruynne-un-audacieux-pionnier-de.html

Bibliographie:
  • Divers et de Printemps, textes de Jean Debruynne,  Le nouvel Athanor, 2020

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