là-bas
derrière les tentures
de la pluie
dans ce pays rouillé
où les chemins
creusent la peur
il m'arrive
de remettre mes pas
dans les tiens
le temps
a l'épaisseur
des boulangeries de l'enfance
les souvenirs
lèvent à chaud
circulaire
est l'éternité
sous la lampe.
in L'Innominée, Il y aura des temps sans le temps, éditions Jacques Brémond,1983.
L'émotion nous saisit dès les premiers mots, l'auteur, Hélène Cadou, s'adresse à son époux René-Guy Cadou, poète, décédé en 1951 à l'âge de 31 ans.
Sous nos yeux, les souvenirs lèvent à chaud et tournoient sous la lampe ...
Le contraste entre la grande douceur du visage de cette femme et la force de vie, qui rayonnait d'elle, était frappant.
Écrire à blanc était devenu, chez elle, une arme de survie.
écrire
creuser
cet espace neutre
où tu échappes
au tout venant
des mots
où la parole
prend place
dans un dénuement
si avare
que la fenêtre
y fulgure
sans appel.
ibid
Pour ne pas ébrécher le soir, elle inventait mille ruses. Elle touchait du bois pour que demain ne trahisse aujourd'hui, elle priait l'armoire aux ancêtres de livrer ses secrets et, tandis que le jour tremblait et que le dernier livre tombait en poussière, elle s'interrogeait : tiendrai-je jusqu'à demain pour dire ce qui jamais ne sera dit ?
une lampe
qui se prend pour le soleil
jubile
à perte de voix
ce soir
recueille
ce qui fut dit
aux creux des sources
le temps
file sa laine
pour quel linceul ?
blanche est l'heure
d'avant
le cri
rouge
la joie
dernière.
ibid
Qu'il nous soit donné à nous aussi, en cette période de fêtes, le rouge de la joie !
Bibliographie:
- L'innominée, avec des encres de Jean-Jacques Morvan, éditions Jacques Brémond, 1983
sur internet:
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