Celle qu'on attendait
Les pluies
Et les fumées
Qui montent des feux de broussailles
Ont assombri la lumière un peu fade
De l'automne
C'est un voile léger
Simple taie
Sur le bleu du ciel
Mais il semble soudain
Qu'un poids sous l'horizon
Attire à soi comme la hampe
D'un drapeau
Et sous la lumière pâlissante
Une clarté seconde se fait jour
De l'une à l'autre a dérivé
Imperceptible
Un peu de temps
*
Audacieux celui qui laisse là
Les compagnons
Insensible aux voix qui le hèlent
Au chant des heures
Où tout est dit
*
Noué
Le corps aux gestes pauvres
S'effraie de la grâce nouvelle
Apparue dans les fûts
Il se replie
Et se courbe sur soi
sur le peu de chaleur épargnée
Est-ce un abri qu'il cherche encore
Le démuni
Comme s'il voulait s'étendre sous ces feuilles
Et se couvrir de l'âcre et brune odeur
Qu'elles tiennent de la terre
Mais
Où donc est la mort
Maintenant
*
Ose lever les yeux et t'avancer
En homme avare
Dans cette plaine chaste du ciel
Qui te recouvre
Et comme un cavalier avant l'obstacle
Raidit les rênes et fait sonner le mors
Et parle calme
Rassemble en toi jusqu'au frisson
L'élan qui va venir
Puis reprends souffle
Comme fait la terre sous le givre
Tu entres maintenant dans la clarté
Des heures sobres
in Sous l'imperturbable clarté, Celle qu'on attendait (1990), Poésie/Gallimard, 2019, p.73 à 77.
Je découvre la poésie de Jean-Marie Barnaud à l'heure où s'installent et chatoient dans les parcs et jardins alentour les premiers feux de l'automne.
Me reviennent en mémoire nos longues promenades à l'automne par les sentiers de la forêt de Fontainebleau. Nous rentrions fourbus mais grisés d'air pur, de senteurs et de chaudes couleurs.
Entrée depuis dans la clarté des heures sobres, j'écoute le poète s'interroger sur la mort :
Dans la faille du temps
Irons-nous à la mort
Comme de bons marcheurs
À grandes foulées vers l'incendie
Sourds aux écorces qui pourrissent
ibid Le dit de la pierre, p.35
La réponse à cette question nous sera-t-elle donnée avant d'être sous terre? Peu importe, l'essentiel est de tenter de vivre d'ici-là en fidélité avec nous-mêmes.
Bibliographie:
- Jean-Marie Barnaud, Sous l'imperturbable clarté, Poésie/Gallimard, 2019
sur internet :
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