Port des Barques

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vendredi 31 mai 2019

Serge Wellens, du fond d'un trou de mémoire



         Du fond d'un trou de mémoire

         Du fond d'un trou de mémoire
         je regarde passer le ciel
         où rien ne se passe vraiment
         qu'un léger très léger frémissement
         pareil au rêve inhabité
         d'une eau dormante

         Je cherche désespérément
         le visage d'un mot nécessaire
         qui se défaisant me défait
         Il me reste la lenteur
         obstinée de son refus d'être
         Pour un peu de temps encore
         le sillage d'une trace.

         in Il m'arrive d'oublier que je perds la mémoire, éditions Folle Avoine, 2006, p.11

Serge Wellens, je le découvre en 2011, séduite par la simplicité et la profondeur de sa poésie, je rédige aussitôt un article, intitulé Serge Wellens, tel un bel arbre, qui paraît sur La Pierre et le Sel en novembre 2015 et que je vous conseille de lire ou de relire, grâce au lien indiqué en annexe, en vous souvenant que ce lien peut mettre un certain temps à s'ouvrir.

          Soliloque du vieux

          Parler sans avoir rien à dire
          comme dit Paul Eluard
          et comme dit la chanson

          Parler pour détourner la nuit
          faire amitié avec les loups
          décourager la pluie
          intimider la mort

          Parler pour couvrir
          le bruit du temps qui passe
          pour se raconter
          des rêves que l'on n'a pas faits
          pour donner la parole à l'autre

          Parler pour se convaincre
          que l'on existe encore.

          ibid p.9

Quelle magnifique parade contre l'oubli que cet aveu ! Quelle honnêteté face à soi-même et face à son lecteur !

         Dans l'été cruel

         Des siècles qu'il n'a pas plu
         Les pierres et la terre s'épousent
         en leur incorruptible dureté

        Mais
        il arrive qu'un oiseau
        planant au plus haut de son vol
        toutes plumes ouvertes
        traverse
        l'insondable bleu d'un ciel sans couture
        et que ses ailes soient
        ne soient rien d'autre que
        les mains de Debussy
        fertiles déployées caressantes
        jouant Jardins sous la Pluie

        Sous la pluie qui cire les pommes
        et donne à la soif
        ses innombrables noms d'emprunt.

        ibid p.12


        C'était hier

        C'était hier
        hier dans la cour de l'école
        les arbres
        échangeaient des oiseaux

        On chevauchait des nuages
        on se battait avec le vent
        on criait pour saluer la neige

        Nos mains étaient des métaphores
        la feuille la pierre et deux doigts
        tachés d'encre violette
        pour faire les ciseaux

        On était le loup délivrance
        la balle et le chasseur
        nos bras étaient des ailes
        on survolait des champs de blé

        C'était hier
        il y a de nombreuses années
        les orages nous faisaient fête.

        ibid p.30

Autant de poèmes cités pour le plaisir de faire vivre aux plus jeunes une part d'enfance révolue .

Bibliographie:
  • Serge Wellens, Il m'arrive d'oublier que je perds la mémoire, éditions Folle Avoine, 2006
sur internet:

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