Du fond d'un trou de mémoire
Du fond d'un trou de mémoire
je regarde passer le ciel
où rien ne se passe vraiment
qu'un léger très léger frémissement
pareil au rêve inhabité
d'une eau dormante
Je cherche désespérément
le visage d'un mot nécessaire
qui se défaisant me défait
Il me reste la lenteur
obstinée de son refus d'être
Pour un peu de temps encore
le sillage d'une trace.
in Il m'arrive d'oublier que je perds la mémoire, éditions Folle Avoine, 2006, p.11
Serge Wellens, je le découvre en 2011, séduite par la simplicité et la profondeur de sa poésie, je rédige aussitôt un article, intitulé Serge Wellens, tel un bel arbre, qui paraît sur La Pierre et le Sel en novembre 2015 et que je vous conseille de lire ou de relire, grâce au lien indiqué en annexe, en vous souvenant que ce lien peut mettre un certain temps à s'ouvrir.
Soliloque du vieux
Parler sans avoir rien à dire
comme dit Paul Eluard
et comme dit la chanson
Parler pour détourner la nuit
faire amitié avec les loups
décourager la pluie
intimider la mort
Parler pour couvrir
le bruit du temps qui passe
pour se raconter
des rêves que l'on n'a pas faits
pour donner la parole à l'autre
Parler pour se convaincre
que l'on existe encore.
ibid p.9
Quelle magnifique parade contre l'oubli que cet aveu ! Quelle honnêteté face à soi-même et face à son lecteur !
Dans l'été cruel
Des siècles qu'il n'a pas plu
Les pierres et la terre s'épousent
en leur incorruptible dureté
Mais
il arrive qu'un oiseau
planant au plus haut de son vol
toutes plumes ouvertes
traverse
l'insondable bleu d'un ciel sans couture
et que ses ailes soient
ne soient rien d'autre que
les mains de Debussy
fertiles déployées caressantes
jouant Jardins sous la Pluie
Sous la pluie qui cire les pommes
et donne à la soif
ses innombrables noms d'emprunt.
ibid p.12
C'était hier
C'était hier
hier dans la cour de l'école
les arbres
échangeaient des oiseaux
On chevauchait des nuages
on se battait avec le vent
on criait pour saluer la neige
Nos mains étaient des métaphores
la feuille la pierre et deux doigts
tachés d'encre violette
pour faire les ciseaux
On était le loup délivrance
la balle et le chasseur
nos bras étaient des ailes
on survolait des champs de blé
C'était hier
il y a de nombreuses années
les orages nous faisaient fête.
ibid p.30
Autant de poèmes cités pour le plaisir de faire vivre aux plus jeunes une part d'enfance révolue .
Bibliographie:
- Serge Wellens, Il m'arrive d'oublier que je perds la mémoire, éditions Folle Avoine, 2006
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire