Sous un ciel de lucioles
en un pays de chemins bifurqués
longuement j'ai marché du regard
pour surprendre une licorne blanche
mais je n'ai piégé que ce vertige noir
*
Laissez-moi dans la nuit
écouter la vieille histoire
du vent et de la pluie
et l'histoire d'un amour
mêmement vieilli
in Moments fragiles, Le Noroît, Le Dé bleu, 10 septembre 2009, p.p.66/67
Par des chemins bifurqués, Jacques Brault, poète canadien, convie son lecteur à "marcher du regard" à l'écoute du passé, à prêter l'oreille au mutisme des maisons et prendre soin de ses ombres
tout au long de ce livre.
Une insomnie met sa main sur mon front
et soudain couvert de sueur blanche
quelqu'un respire à coté de moi
ibid Moments fragiles, Murmures en novembre p.38
Je gravis une colline
et je m'assois solitaire
sous un ciel vide
à mes pieds s'endort
comme un chien ma tristesse
ibid Moments fragiles, Amitiés posthumes, p.47
Je n'ai pas touché la jointure d'hier et
d'aujourd'hui cette pensée soudainement
s'écoule de moi comme du sang
ibid Moments fragiles, Murmures en novembre p.16
En ce jour de la mi-mai où j'écris, un ciel bas de novembre s'accorde, par mimétisme, à l'évocation du froid canadien décrit par le poète :
Nous nous sommes revus pour ne plus nous voir
le vent d'est s'est levé soudain depuis ce temps
et un cent de fleurs se sont arrachées à la terre
et des nuits de lune froide les ont froidies
et des jours de pluie de soleil d'ennui de réveil
et des femmes et des hommes enlacés ont fui
maintenant chacun de nous le matin
se voit seul dans son miroir
ibid amitiés posthumes, p.60
Jacques Brault est né à Montréal le 29 mars 1933. Professeur, dramaturge, essayiste, il est aussi l'auteur de lavis, qui illustrent ce livre.
Pays natal ou est-ce un moindre mal qu'invente la détresse écrit-il, alors que la rudesse du climat canadien donne à son écriture le goût amer du sel, un sel qui semble le protéger du gel et du désespoir. La perte d'un être cher est au cœur de cette démarche poétique. Une perte, qu'évoque le poète tout au long de ce recueil avec une grande pudeur.
Tu es partie comme un rêve tard dans la nuit
je reste seul éveillé face au mur
et j'entends quelque part du coté de la rivière
une oie sauvage crier de solitude
ibid p.56
Si on me demande par ici
dites que je m'éloigne sur la route
mêlant le sel de neige
au sel de mes larmes
dites aussi qu'un grand froid m'accompagne
ibid p.64
La poésie sert aussi à traduire l'incommunicable, en se sachant entendu, quelque part...
Bibliographie:
- Moments fragiles, éditions Le Noroît Le Dé bleu, 2009
- https://www.maulpoix.net/Brault.html
- http://auteurs.contemporain.info/doku.php/auteurs/jacques_brault
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