qu'est-ce que tu imagines
en écrivant
regardes-tu vraiment
au plus loin de toi vois-tu
les visages s'approcher
avec chaque mot te promets-tu
de les retenir de les
sauver qu'est-ce que tu
imagines en écrivant
as-tu les yeux ouverts
face à toute angoisse et
tout l'espoir d'une demeure
au moins dans le texte
un toit au-dessus de la tête
avant que le crayon ne s'émousse
in Tant de vent négligé, So viel Wind ungenutzt, Édition bilingue, traduite de l'allemand par
l'auteur avec l'amicale collaboration et le soutien précieux du poète Max Alhau, 2018, p.55
Eva-Maria Berg est née en Allemagne à la fin de la dernière guerre, elle s'exprime aussi bien en français ou en espagnol que dans sa langue maternelle, ses recueils sont trilingues, quand ils ne sont pas bilingues...Max Alhau, poète français, lui est d'un grand soutien pour la traduction et la publication. Cette façon d'effacer les frontières en poésie mérite d'être soulignée.
tant de vent
négligé
les hommes
incapables
de voler
les maisons
ancrées
jamais
à déplacer
l'énergie
trop polluée
pour se dissoudre
dans l'air
mais les yeux
il est facile
de les entraîner
n'importe où
ibid p.45
printemps
"printemps" dis-tu et tu t'épanouis
malgré l'hiver la langue aussi dégèle
la glace fond dans la bouche
des mots s'estompent encore
avant les pensées la chaleur
est perceptible supprime même
des barrières comme si l'on pouvait
franchir la dernière saison
ibid p.17
À coté
combien de bleu
supporte l'œil
sans se noyer
ou se disperser
dans l'air
ibid p.51
À petites touches, elle peint ainsi un paysage intérieur et philosophique, qu'elle nous partage.
et tu vas jusqu'à la rive
pour dégager la métaphore
de la mer et de l'horizon
de l'homme il n'en est
plus question
un pur être les yeux
et la bouche l'oreille
ouverts rien que
l'image du ciel
chamboulée
peut-être encore quelques
pas sans fond
le vieux mot de la voie
comme but il faut le contrer
ibid p.49
Mais une humanité en détresse a envahi les plages, des milliers de migrants sur des barques de fortune...
voilà la plage
du passé
maintenant sans mesure
surpeuplée celui qui
cherche du soleil
il plonge au mieux
dans le bain des
corps nus
ne réalisant pas
s'ils sont avides
de peau bronzée
sans couture
ou s'ils restent là
sans vie comme
des déchets rejetés
ibid p.57
Eva-Maria Berg n'aura de cesse de dénoncer courageusement les faits jusqu'à en perdre souffle, jusqu'à ce que la mer oublie d'aborder ... et qu'au tout dernier poème.
le guide
quitte le bateau
à force de recueillir des
histoires naufragées
il les rattrape sur la terre
pour raviver
les hommes
ibid p.83
Puisse cet appel vibrant nous raviver le cœur et, par nos voix unies, ébranler une Europe languissante. Les poètes depuis toujours n'ont-ils pas joué les hérauts dans un monde sourd, aveugle et muet ?
Bibliographie:
- Tant de vent négligé, So viel Wind ungenutzt, édition bilingue, traduit de l'allemand par l'auteur en collaboration avec Max Alhau, Éditions Villa-Cisneros, 2018
deux articles sur l'auteur parus sur Le Temps bleu :
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