J'avance contre le vent
éprouvant le sol
son apparence granitique
suspendu à ce jeu
qu'un peu de chaleur annulera
Je m'arrête au bord de mon cri
la main qui pousse la barrière
ouvre l'horizon
d'une terre saignée à blanc
*
Je n'aurai souci
que des promesses du vent
du froid qui ensemence le silence
Le brouillard en nous
tisse un habit de cendres
L'hiver gerce
l'amande agile du désir
in Le miroir incertain, Rougerie 1986, p.p.22/23
En peu de mots le décor est dressé, la pensée voyage à travers de vastes espaces endormis sous le poids de l'hiver. Un dépaysement total s'impose à nous, gens des grandes villes, un monde figé et rebelle décide du temps, de celui qui s'écoule et du climat hivernal, "qu'il faut bien affronter". La vie se réfugie à l'intérieur et exige de nous force d'âme. Autant de notions que nous, citoyens des grandes villes, avons perdues.
O temps d'inclémence
de ciels en insomnie
Il n'y a nul repli
sur vos arêtes
Nous vivons d'improvisations
et confions à des demeures patientes
le soin de soulever la nuit
Notre seule ressource :
suivre le fil dans le guet
de l'ombre
ibid p.19
À nous de percevoir dans l'hiver "ce fruit que nous veillons avec la plus aimante attention".
Yves Prié nous enseigne dans ce recueil, avec grande humilité, le prix des choses de la terre: à savoir qu'il faut savoir compter avec "le silence frugal, l'ardeur corrosive de l'hiver, cette césure du gel", pour "qu'au revers du silence la vie fasse racine sous le gel.
Ce pays reste doux dans le gel
Quelque chose comme l'envie
de caresser le silence
et la crainte d'y déranger
le fil d'un chemin
ibid p.33
Il évoque ainsi ce blé criant sa soif/ sa fièvre de ne jamais/rompre le chant. Il nous veut vigilants et attentifs.
Ne sommeille pas
l'adversité guette cet oubli
Seule est décisive
la veille
Confier l'espoir au sursaut
La ronce se tranche d'un geste vif
excluant toute chance de riposte
Pour nous
le feu veille
dans l'économie de ses tisons
ibid p.28
La moisson spirituelle est à ce prix, elle aussi. Faisons confiance à ce que les poètes s'acharnent à semer au profond de nous : il y a dans l'hiver / des vérités qui n'échappent plus.
VII
Paroles de sang
Avivées dans la lame du printemps
un bourgeon éclate la coquille de l'air
in Le miroir incertain, À propos de Han Psi, p.78
Bibliographie:
- Le miroir incertain, Rougerie, 1986
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