Port des Barques

Port des Barques

vendredi 16 mars 2018

Yves Prié le soin de soulever la nuit




         J'avance contre le vent
         éprouvant le sol
         son apparence granitique
         suspendu à ce jeu
         qu'un peu de chaleur annulera

         Je m'arrête au bord de mon cri
         la main qui pousse la barrière
         ouvre l'horizon
         d'une terre saignée à blanc
                            
                              *
         Je n'aurai souci
         que des promesses du vent
         du froid qui ensemence le silence

         Le brouillard en nous
         tisse un habit de cendres

         L'hiver gerce
         l'amande agile du désir

         in Le miroir incertain, Rougerie 1986, p.p.22/23

  En peu de mots le décor est dressé, la pensée voyage à travers de vastes espaces endormis sous le poids de l'hiver. Un dépaysement total s'impose à nous, gens des grandes villes, un monde figé et rebelle décide du temps, de celui qui s'écoule et du climat hivernal, "qu'il faut bien affronter". La vie se réfugie à l'intérieur et exige de nous force d'âme. Autant de notions que nous, citoyens des grandes villes, avons perdues.

          O temps d'inclémence
          de ciels en insomnie
          Il n'y a nul repli
          sur vos arêtes
          Nous vivons d'improvisations
          et confions à des demeures patientes
          le soin de soulever la nuit

          Notre seule ressource :
          suivre le fil dans le guet
          de l'ombre

           ibid p.19

À nous de percevoir dans l'hiver "ce fruit que nous veillons avec la plus aimante attention".
Yves Prié nous enseigne dans ce recueil, avec grande humilité, le prix des choses de la terre: à savoir qu'il faut savoir compter avec "le silence frugal, l'ardeur corrosive de l'hiver, cette césure du gel", pour "qu'au revers du silence la vie fasse racine sous le gel.

           Ce pays reste doux dans le gel

           Quelque chose comme l'envie
           de caresser le silence

           et la crainte d'y déranger
           le fil d'un chemin

           ibid p.33

Il évoque ainsi ce blé criant sa soif/ sa fièvre de ne jamais/rompre le chant. Il nous veut vigilants et attentifs.

            Ne sommeille pas
            l'adversité guette cet oubli

            Seule est décisive
            la veille

            Confier l'espoir au sursaut
            La ronce se tranche d'un geste vif
            excluant toute chance de riposte

            Pour nous
            le feu veille
            dans l'économie de ses tisons

            ibid p.28

La moisson spirituelle est à ce prix, elle aussi. Faisons confiance à ce que les poètes s'acharnent à semer au profond de nous : il y a dans l'hiver / des vérités qui n'échappent plus.  


                           VII

             Paroles de sang
             Avivées dans la lame du printemps
             un bourgeon éclate la coquille de l'air

              in Le miroir incertain, À propos de Han Psi, p.78

Bibliographie:

  • Le miroir incertain, Rougerie, 1986
sur internet :

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