Un été sans fin
Je ne t'écrirai plus
le solstice est brisé
nos paysages
ensevelis
je n'écrirai pas notre mémoire
je m'adresse à d'autres
au-delà des coulées de lave
hautes de plusieurs siècles
au-delà des étoiles éteintes
dont la lumière parvient encore
à la main qui écrit
je m'adresse à ceux qui s'aimeront
bien plus tard quand les jours
seront devenus plus longs
pour qu'ils recommencent notre histoire
sous un autre soleil
leurs ombres seront les nôtres
ils auront notre voix peut-être
nos silences
sur les mains le pollen des fleurs
que nous n'avons pas coupées
qui sait même la rosée d'un matin
in Un été sans fin, éditions Jacques Brémond, 2008
Édité chez Jacques Brémond, ce mince recueil tout en hauteur tel un cri, étire vers le ciel sa couverture gris pâle, où seul le titre, en bleu turquoise, évoque le souvenir d'un été sans fin…qui s'est avéré être le temps d'un adieu.
Le poète s'adresse avec une infinie tendresse à un cher disparu, qui a pris soin de ne pas déranger les milliards d'étoiles, d'aller son chemin sans soulever la poussière, de ne pas froisser le pli du temps qui retombe. et de se dissoudre dans l'ailleurs à jamais sans y laisser de déchirure...
Pendule
Dans l'écart entre hier
et aujourd'hui
bat un pendule qui ne peut pas
retrouver le point d'équilibre
l'amplitude de sa course
augmente dans l'écart
où la nuit s'est engloutie
augmente sans fin il n'y a plus
d'étoiles à atteindre
à joindre d'un battement rapide
elles ont dépassé l'horizon
il n'y a plus d'attente
il n'y a plus de minuit
il n'y aura plus de point du jour
ibid
L'aimé a pris désormais la forme d'un absent, qu'elle évoque avec des mots poignants, que chacun pourra faire siens :
Vers
Aucun langage ne lui parvient
ni celui qu'échangent
la terre et l'eau
l'air et le feu
ni celui de la ville au petit jour
ni celui des vents de sable
sur les plus grands déserts
pas même les mots perdus
dans les marges d'un poème
si longue soit leur errance
une fissure de l'espace
s'est refermée sur lui
la suture
s'en est effacée
Parler de lui à la terre
où reste une empreinte
de ses pas
à la source qui garde
sous les eaux son image
à l'air qui s'est ouvert
devant lui
au feu son dernier élément
le dire dans la rumeur
de la cité au bord du fleuve
dans le vent qui passe chargé
d'années lointaines
dans les quatre directions de l'espace
et l'unique direction de la flèche du temps
l'écrire pour que la page
se couvre du soleil
de sa présence
matins midis et soirs
de sa présence
pierres blanches
à chaque ligne en allée vers
l'inachevé du poème
un futur sans poids
ibid.
Le contraste entre la force, qui se dégage de cette écriture et l'apparence fragile de son auteur, mérite d'en savoir davantage, je vous invite vivement à lire le précédant article, ayant pour titre Le vide est mon élan, rédigé par moi à son propos et paru sur La Pierre et le sel, en septembre 2013
Je rappelle que l'accès exige un peu de patience de la part du lecteur avant que ne s'ouvre le lien mais j'en ai vérifié le bon fonctionnement et vous en souhaite une très bonne lecture.
https://pierresel.typepad.fr/la-pierre-et-le-sel/2013/09/fran%C3%A7oise-h%C3%A0n-le-vide-est-mon-%C3%A9lan.html
Bibliographie:
- Un été sans fin, Françoise Hàn, éditions Jacques Brémond, 2008
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