Port des Barques

Port des Barques

vendredi 15 mars 2019

Antoine Émaz, en guise d'adieu


         dans la lumière brute
         et le jaune des jonquilles
         on est où

         ricochets des mots
         sur l'eau de tête
         le temps
         la masse tranquille d'un dimanche
         océan c'est trop dire
         plutôt mare étang borné
         par la fin de semaine
         étier

         on ferait mieux
         de s'atteler
         à la semaine qui vient

         in De l'air, III. Mémoire-Mère, éditions le dé bleu, L'Idée Bleue, 2006, p.62

Antoine Émaz ne s'attellera plus à la semaine qui vient, il est décédé ce 3 mars 2019, emporté, souhaitons-le, par l'un de ces appels d'air qu'il affectionnait plutôt que par
la maladie contre laquelle il luttait courageusement.

         la glycine dans le soleil n'est pas le tout
         le platane ou l'attentat ce matin non plus

         le poème à travers cela comme
         une charrue qui va sur n'importe quelle terre
         au bout du champ elle tourne et revient
         sans savoir vraiment ce qui est retourné
         par les mots ce n'est pas le moment

         tristesse on peut dire élégie si on veut
         pour cette perte d'être ou versant
         d'une vie qui descend sans comprendre
         ce passé livré en bloc illisible ou éclats sans liens
         peu importe après tout cette absence de mainmise
         sur l'avant et l'après on se débrouille
         à partir d'un c'est qui urge et pose tous les jours
         des morts sans cause sur les écrans du monde

         la glycine dans le soleil la transparence de son vert
         pour l'heure en rester là s'en contenter
         si on peut

         ibid IV. De l'air, Trajets dedans seul , Mi-voix (30.05.04) éditions le dé bleu, L'Idée Bleue,
         2006, p.69

         on écrit sur ce retour

         au bout du rire
         il n'y avait pas de mots
         on en est sûr
         pas d'images ni souvenirs

         on a seulement été d'un coup
         désencombré d'être
         comme tout en vrac hors
         le linge sale d'une vie

          ibid Ivre, 111.p79

En souvenir du poète, nous apprécierons d'autant plus, en ce printemps à venir, le jaune allègre des jonquilles et le parfum suave des toutes premières glycines.

Bibliographie :
  • De l'air, éditions le dé bleu, L'Idée Bleue, 2006
sur internet :

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