Port des Barques

Port des Barques

jeudi 4 janvier 2018

Xavier Grall, bonjour le monde




          Va le temps

         Après un doux automne et un tranquille novembre, les vents sont venus. Vous le dirai-je ?
    Je les attendais, les espérais. Depuis plusieurs mois, il me semblait que quelque chose manquait
    à mon univers, un souffle à mes jours et une musique à mes nuits. Oui, c'étaient les grands vents
    de l'hiver.
         Ils sont revenus en force, et comme redoublant de puissance, de s'être fait attendre. Ce sont
    parfois de profondes poussées qui viennent de l'océan et tournent et retournent dans la cour,
    rageant de buter contre l'obstacle des pierres et des briques. Ce sont parfois des miaulements,
    des ululements, des feulements qui surgissent du Sud, plaintes de bêtes inconnues, blessées,
    malheureuses. Ce sont enfin des vents d'une sombre méchanceté qui matraquent les pigeons
    et soulèvent les arbres dans d'irrésistibles lévitations. ceux-là, on les croiraient désireux de
    chambouler les haies et les demeures, de détruire jusqu'au monde lui-même.
          Tels sont les vents de Bretagne. Là-bas, il y a le mistral, et la tramontane, et le vent d'autan.
    À chaque contrée, son bruit et ses tempêtes.
           J'écris dans l'ombre et le fracas. À cette seconde, j'écoute sur France-Culture un hommage
    à Max Jacob. C'est très beau. Il est question des sept collines de Quimper, des pluies, des prières.
    Et moi, je pense aux vents mauvais, qui, à Drancy, sifflaient dans les poumons de Max, au cœur
    catholique, éclaté, du poète. Bon vent à son âme... Je pense à mon ami Georges Perros que nous
    enterrâmes il y a un an, à Tréboul, par une journée également secouée de bourrasques. quel
    tréboulement, cher Georges !
            Mais à Paris, quel temps fait-il, mes camarades ? Et vous, entendez-vous seulement les
    vents ? Je crains qu'ils ne soient ni de votre souci, ni de votre paysage. Les miens, qu'ils soient
    funèbres ou allègres, me parlent de la vie qui va. La vie qui va, le temps qui va à Botzulan, ici,
    là-bas, partout...
            Bonjour le monde !

                                                                                                                            21-XII-78

    in Xavier Grall, Les vents m'ont dit, Calligrammes, 1991, p.58

bibliographie:
  • Xavier Grall, Les vents m'ont dit, Calligrammes, 1991
sur internet:



        



 

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