Port des Barques

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vendredi 11 décembre 2020

Philippe Garnier, quand le monde entier attend sur le palier

Les trains

Allô allô
Messieurs les voyageurs sont priés de fermer les paupières. 
Il y en a qui vont bien loin chercher ce qu'ils croient ne plus pouvoir trouver là.
Pour moi je ne me déplace plus guère depuis que je sais pour l'avoir rencontré que le monde entier attend dans l'escalier.
Car l'aventure voyez-vous que je croyais au bout de la route était cachée tout près sur le palier.
C'est depuis ce temps-là que je suis celui qui voyage exclusivement de l'alcôve et du matelas celui qui tire sur les promesses de l'aube ses yeux et ses draps et qui s'en va.
Mes rêves sont des trains de nuit qui s'enroulent dans ma tête des fracas de lumière qui déboulent qui accrochent dans les airs des rubans des rubans de clochettes.
Je suis cette espèce de mage qui voyage du stylo de la tête et du langage.
Je suis celui qui a besoin de fermer les paupières pour mieux voir au loin le pain l'espoir et la lumière, Celui aussi qui se réveille parfois en sursaut constate que les lames du parquet n'étaient ni des rails ni des oiseaux.
Celui dont l'eau salée flouée crevée des larmes contient alors tous les bateaux. 

 in Le vendeur de murmures, Philippe Garnier, Les mots qui penchent, 1988, p.p.21.22

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