Le soleil sur la table danse l'instant.
Je me réjouis de l'intimité de ta présence
que je flatte dans la rondeur lumineuse
de ce jour d'été.
in Les étoiles saignent bleu, poèmes inédits 1961-1991, Les Hommes sans épaules
éditions, 2018, p.227
Quel plaisir de découvrir, au retour du Marché de la Poésie, ce nouveau poète et quelle émotion de s'abandonner à cette voix intimiste :
LA BARRE DE LA DOULEUR
I.M. Jacques Simonomis
Sa voix est de neige
sous la fourrure des mots
Son silence
en nous
voyage
Il faut passer la barre de la douleur
pour connaître les vagues
du souvenir
Ne plus entendre
contre la coque des jours
que le clapotement d'eau claire
d'une parole apaisée
ibid p.181
***
à S.
Elle a soixante ans et plus
la petite fille
À force de se pencher
Son corps s'est retourné
comme le sablier
Pourtant dans son regard
le chemin court encore
bordé de l'éclat
des myosotis.
8 mai 2000
***
Les nuages caracolent
volant le rêve aux plus hautes fenêtres.
Les rembardes fleuries s'estompent
dans le chuchotement du soir.
Le temps passe habillé d'autrefois
dans son parfum de buis mouillé.
ibid p.230
***
JE VOUS SAIS SI PROCHES
Vide soudain
plus réel que la vie
Le cœur boite
éprouve sa douleur
Une perle roule
sur la joue du moment
que voile l'odeur
d'un chrysanthème
L'absence imprime en nous
vos pas
Pourtant
je vous sais si proches
autour de la table
où dérivent vos voix
où s'affairent nos mains
sur la nappe
des jours
qui riaient aux éclats
ibid p.179
***
ORAGE
Quel est ce bruit noir
entre mes tempes ?
L'orage aboie
sur mes talons
J'ai joué
avec les allumettes
de la joie
Ton corps
a incendié ma nuit
Sa brûlure est douce
aux lèvres du temps
Mais la rose de l'espoir
est un baiser glacé
ibid p.175
Jacques Taurand à choisi de dire la vie coûte que coûte mais aussi l'absence, son contraire, et il excelle en la matière.
CHEMIN SEUL
C'est toujours ce bleu
et près de la pierre
quelques nuages de soi
que dissipe le vent
Toujours la lenteur des choses
le jour enseveli
ses bruits sans couleur
que charrie le sang
C'est toujours ce trop peu
qui se voudrait tout
mais ne fait qu'effleurer
celui qui passe et l'autre qui le croise
Toujours cette envie
de vivre une autre vie
l'esquif d'un poème
sans écoute et sans cap
C'est toujours le chemin seul
qui se fraye un passage
appuie de tout son poids
sur l'épaule courbée
Toujours une aube sans voix
un nouveau pas sans lumière
une main qui creuse le vide
le cœur et son écho qui boite au loin.
ibid p.218
Il dédie nombre de ses poèmes à des poètes, comme à Serge Wellens, ci-dessous :
Végétale complicité
à Serge Wellens
L'ami qui m'accueille
à la belle saison
dans l'ombre verte de son silence
est un saule
Nous échangeons nos philosophies
La souplesse de sa parole
dément l'apparente rigidité
de ses convictions
Il y a sagesse sous l'écorce
force et beauté
sève de connaissance
Ainsi en va-t-il de notre humaine
et végétale complicité :
pas de grands sentiments
mais la certitude
d'appartenir à la même souche
ibid p.173
Dialogue
Je parle du long chemin que nous avons à faire
Du peu de temps pour nous aimer
Je parle de la faim qui agrandit les yeux
De la misère au cœur de l'homme
Il y a tant de maisons sans soleil
Qu'on ne peut oublier
Et toutes ces rues à la dérive
Ces visages d'enfants qui portent la vérité
Tu me parles des arbres qui sont toujours en fleurs
Des escaliers dans les nuages
D'un monde en marche
D'un monde meilleur
Tu me parles d'un amour
Qui a toujours les yeux ouverts
Je te crois puisque tu le dis
ibid p.80
Sur ces mots, qui se veulent volontairement confiants, je vous souhaite de bonnes vacances.
LeTemps bleu fait une pause. Il reprendra courant août ses publications du vendredi.
Bibliographie:
- Les étoiles saignent bleu, Jacques Taurand, Les Hommes sans Épaules éditions, 2018.
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