La bergeronnette dans
l'air adouci – et
ce qu'on ne voit pas
qui déchiffre avec
elle les ombres
encore persistantes
en ce matin de mars,
la bergeronnette et
son balancement dans
l'ivresse de l'herbe
où se recueille
la rosée avant
de s'effacer sous
le soleil qui prend
en charge la journée.
in Un peu d'ombre sera la réponse, Gallimard, 2009, p.22
Ce recueil de Richard Rognet accompagne notre entrée en ce mois de mars, dans l'attente confiante d'un printemps à venir.
Il y a tant de joie,
tant de pudeur, tant
d'élégance dans ce
premier soleil
qu'on ne peut croire
que la terre est
mortelle. Les crocus
jaunes se font signe
d'un bout à l'autre
du jardin. Un chat
s'attarde sur un mur,
l'air est doré,
presque impalpable,
on dirait que le silence
qui vient de naître
incise les ombres
pour retrouver la vie.
ibid p.20
Il suffit de se laisser porter par les mots vers des paysages réels ou intérieurs, qui s'éveillent sous la voix du poète. Un voyage bienheureux se dessine peu à peu à travers le vivant.
L'appel de la plaine,
entends-le, l'inquiétude
n'est pas interminable,
tu touches le souffle
de l'air, tu es
rassuré, les fougères
s'éveillent avec les
mots que tu croyais
immobiles – et les
voilà, les mots, qui
abordent le frisson
d'un pétale, le doux
balancement d'une
graminée qu'une abeille,
en passant, transforme
en léger souvenir.
ibid p.101
La magie opère, grisaille et pluie s'estompent, la vie éclate dans ce sous-bois imaginaire, rien qu'à tourner les pages d'un livre, assise à sa table de travail.
Si tu lèves un
peu les voiles de
la nuit, tu verras
les étoiles que seuls,
au bout du monde,
des oiseaux inconnus
rassemblent sous leurs
ailes, tu saisiras
le mot de passe qui
traverse le temps,
et tu t'approcheras
de ces oiseaux
lointains, sans blesser
les étoiles, sans
déchirer la nuit.
ibid p.102
Bienveillante et exigeante à la fois, cette poésie se fraye un passage dans l'inconnu de l'avenir.
Nous cherchons,
sous d'instables
ruines, la preuve
de notre existence,
mais il suffit
d'un ver luisant
dans la pénombre,
pour que le monde
se révèle et que
cette frêle clarté
indique l'entrée
d'un domaine
que nous n'avions
pas soupçonné.
ibid p.110
Dans un monde où vacillent les repères, la poésie joue sans faillir son rôle d'éveilleuse.
Richard Rognet porte, ici, un regard confiant sur la nature et la vie, un regard posé et réfléchi dont le monde a grand besoin.
Né dans les Vosges en 1942, il y vit encore après une carrière dans l'enseignement, sa réputation de poète n'est plus à faire. Il a son actif une bonne vingtaine de recueils et a reçu pour l'ensemble de son œuvre, le Grand Prix de Poésie 2002 de la Société des Gens de Lettres et le Prix Alain Bosqut 2005.
Gallimard, son éditeur, propose dans Poésie/ Gallimard un recueil préfacé par Béatrice Marchal, paru en novembre 2015 et portant le n°505, qui réunit trois de ses dernières publications, sous le titre Élégies pour le temps de vivre suivi de Dans les méandres des saisons et de Elle était là quand on rentrait.
Ne manquez pas de cliquer également sur les liens indiqués plus bas, dont un article de Jean Gédéon à propos du poète, paru sur La Pierre et le Sel, en 2013.
Bibliographie:
- Un peu d'ombre sera la réponse, Gallimard, 2009
- http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Poesie-Gallimard/Elegies-pour-le-temps-de-vivre-suivi-de-Dans-les-meandres-des-saisons-et-de-Elle-etait-la-quand-on-rentrait
- un article de Jean Gédéon sur La Pierre et le sel : http://pierresel.typepad.fr/la-pierre-et-le-sel/2013/02/richard-rognet-po%C3%A8te-vosgien.html
- http://www.recoursaupoeme.fr/critiques/dans-les-m%C3%A9andres-des-saisons-de-richard-rognet/matthieu-baumier
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