Port des Barques

Port des Barques

vendredi 29 juin 2018

Anne Perrier accoudée à l'éternité d'un chant d'oiseau




         Si lasse en ce jardin
         D'interroger l'azur
         Que ne puis-je m'asseoir
         À l'ombre du sorbier
         Dans la simplicité du jour
         Comme l'enfant naguère
         Accoudée à l'éternité
         D'un chant d'oiseau

         in Les Belles étrangères, 14 écrivains suisses, 2001, p.116

C'est toujours un grand bonheur de retrouver l'écriture d'Anne Perrier, décédée en janvier 2017, à Saxon, en Suisse.
         Où me portent mes pas
         Nulle demeure au bout du jour
         Nul âtre nul abri
         Offerts au voyageur
         Mais ces appels
         Mais cette danse
         Mais ce vol éperdu
         Dans l'air des papillons de feu

         ibid p.117


Ces textes, denses et brefs à la fois, invitent à la méditation. À la manière des livres de chevet, ils offrent sérénité, amitié et profondeur à leur lecteur.

         Pourtant quelle douceur
         Quand sous la loupe de la lune
         Le cœur tremble et se fane
         D'entrer dans la demeure
         De pierre tendre sous les feuilles
         – Serait-ce en rêve – et de se perdre
         Au fond du blanc sommeil d'enfance
         Et d'oubli

         ibid p.118

         Si je ne reviens pas
         Dites au merle que je me suis perdue
         L'on ne sait où dans l'épaisse forêt
         De mes pensées de mes désirs
         Qu'un infini soleil d'été
         Consume

         ibid p.119

         Quel est ce signe à l'horizon
         Sois calme Ô ma brûlure mon âme
         Entre dans la félicité
         Tranquille de l'arrière-saison
         Dépose ici tes peurs tes impatiences
         Laisse laisse l'amour
         Régler la danse et ne puise
         Aujourd'hui qu'en la brève abondance
         De l'instant

          ibid p.120

          Et là-bas coule une rivière
          Á la gorge d'ardoise
          De loin je me suis penchée
          Vers son eau limpide – boire
          Ô comme l'oiseau léger ou le vent
          Accouru du désert
          Boire aux longs traits cette eau
          Que me cachent les arbres

           ibid p.12

Faire front, ou tout au moins bonne figure à la vie, reste la devise du poète. Voici quelques échantillons de ces petits bijoux d'insolence et de bravoure :

            Aucune chose ici
            Ne dira oui
            ou non
            Le fil de l'araignée
            Frisonne sur l'abîme…
            Qui peut passer ?
            Seule une abeille
            Met le feu au silence.

            in Le temps est mort, Anne Perrier par J.M.Baude, Seghers Poètes d'aujourd'hui 2004, p.107
 
Il me revient en mémoire à ce propos le souvenir de marches sur les sentiers les plus vertigineux de l'île de la Réunion : des araignées y dressaient des toiles géantes sur le vide, filets irisés que la main humaine peinait à rompre, mais qui se révélaient fatals aux mouches, papillons et autres insectes.

Anne Perrier choisit de faire du "devoir de vivre" un défi, faisons-en autant :

            Si le temps me touche
            Si la mort m'arrête
            Alors que ce soit
            D'un doigt éblouissant

            in La voie nomade, ibid p.159

Puis retournons, comme elle nous y invite, à notre quotidien avec ce lumineux poème :
           
            J'ai repris seule nos beaux chemins
            Ceux que le temps n'aurait pu contenir
            Et qui furent d'éternelle saison
            Sous les abeilles
            J'avance seule où nous allions
            Prunelles bleues
            Dans l'air oiseaux limpides
            Feu

            in Lettres perdues, 1968-1970, p.89


Bibliographie:
  •  Les belles étrangères, 14 écrivains suisses, 2001
  • Anne Perrier, Œuvre poétique 1952-1994, L'Escampette, 1996
  • Anne Perrier, par Jeanne-Marie Baude, Seghers Poètes d'aujourd'hui, 2004
sur internet:









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