35
Le coeur répète ses silences,
après avoir essayé sa sonorité,
ses coups, sa cadence, son rythme emprisonné,
sa manière d'être vivant.
La pensée répète ses silences,
après avoir reçu tant de silence
venant du dehors
comme une toile tendue.
Le mot répète ses silences,
après avoir accordé tout l'accordable
et même presque l'inaccordable,
au croisement du son et du sens.
A un moment ou un autre,
chaque chose doit se livrer au moins
à une répétition plus grande qu'elle-même,
une répétition qui inclue
sa propre négation.
36
Quand on a porté tous les toasts
il reste généralement un silence dans le silence
ou une petite voix dans la voix
qui rappelle l'autre côté des choses.
Quand on a porté un toast à l'être
il faut en porter un nouveau au non-être.
La différence est faible,
peut-être rien qu'une vibration concise dans l'air.
Ou peut-être un goût timide dans le vin.
Portant le verre et la main sont les mêmes.
Roberto Juarroz, Dixième poésie verticale, traduction de François-Michel Durazzo,
Ibériques, éditions Corti.2012 .
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire