Port des Barques

Port des Barques

vendredi 22 novembre 2019

Vénus Koury-Ghata, en poésie, savons-nous toujours où nous mettons les pieds ?




         Les habitants des villes croient marcher quand la terre marche sous leurs pieds
         ils suivent le bruit de leurs pas pour trouver leur chemin
         l'homme prévoyant emporte sa porte sur son dos
         les couples se reconnaissent au flair
         des chats remplacent les bébés dans les berceaux rétrécis
         miaulements et vagissements finissent dans le caniveau

      
         dans les villes d'hiver
         l'étranger compte les arbres pour rentrer chez lui
         un chat l'attend derrière une porte
         il doit le nourrir
         donner à boire au basilic
         puis dort pour ne pas voir la terre sombrer corps et biens derrière l'horizon

                                               

         Il écrit qu'il est mort à celle qui ne sait pas lire
         qu'il a vu le brouillard s'infiltrer sous sa porte remplir ses chaussures et sa poitrine
         lui réécrit qu'il est mort puisqu'elle ne le croit pas
         les morts écrivent en hachures parallèles comme la pluie quand elle vieillit
         en traits illisibles quand l'encre durcit
         les morts n'écrivent pas ne conservent rien
         leurs objets n'existent que par leur bruit et ils ne sauront jamais ce qu'ils sont devenus


                                                    *

         Qu'es-tu devenu derrière cette porte que tu martelais des poings

         poussière érigée en silhouette
         amas de rage et d'incompréhension
         tes poings parlaient en sons étrangers

         accroupi sur ton ombre
         tu égrenais les noms des arbres qui t'ont vu passer
         les marches manquantes de l'escalier
         criais dans ta bouche
         criais

         écho d'un autre écho le bruit de tes poings sur ta poitrine 

         la porte est dessinée
         d'air opaque les murs qui ne reconnaissent pas ton odeur

         in Gens de l'eau, Les dépeupleurs, Mercure de France, 2018, p.p.75/76

Vénus Koury-Ghata, au si beau visage de Madone, a des accents de louve sauvage quand elle tente, toujours et encore, d'exorciser le passé pour mieux vivre le présent.

Pour en savoir davantage, ne manquez pas de lire ou de relire les précédents articles rédigés pour
Le temps bleu et La pierre et le sel, dont les liens sont indiqués ci-dessous.

Bibliographie:

     Gens de l'eau, Mercure de France, 2018

sur internet:


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