Port des Barques

Port des Barques

vendredi 1 novembre 2019

Jean-Marie Barnaud, dans la clarté des heures sobres



  

         Celle qu'on attendait


         Les pluies
         Et les fumées
         Qui montent des feux de broussailles
         Ont assombri la lumière un peu fade
         De l'automne

         C'est un voile léger
         Simple taie
         Sur le bleu du ciel

         Mais il semble soudain
         Qu'un poids sous l'horizon
         Attire à soi comme la hampe
         D'un drapeau
         Et sous la lumière pâlissante
         Une clarté seconde se fait jour

         De l'une à l'autre a dérivé
         Imperceptible
         Un peu de temps
         
                      *

         Audacieux celui qui laisse là
         Les compagnons
         Insensible aux voix qui le hèlent
         Au chant des heures
         Où tout est dit
        
                      *
    
         Noué
         Le corps aux gestes pauvres
         S'effraie de la grâce nouvelle
         Apparue dans les fûts
         Il se replie
         Et se courbe sur soi
         sur le peu de chaleur épargnée

         Est-ce un abri qu'il cherche encore
         Le démuni
         Comme s'il voulait s'étendre sous ces feuilles
         Et se couvrir de l'âcre et brune odeur
         Qu'elles tiennent de la terre

         Mais
         Où donc est la mort
         Maintenant

                      *

        Ose lever les yeux et t'avancer
        En homme avare
        Dans cette plaine chaste du ciel
        Qui te recouvre
        Et comme un cavalier avant l'obstacle
        Raidit les rênes et fait sonner le mors
        Et parle calme
        Rassemble en toi jusqu'au frisson
        L'élan qui va venir
        Puis reprends souffle
        Comme fait la terre sous le givre

  

        Tu entres maintenant dans la clarté
         Des heures sobres
        
         in Sous l'imperturbable clarté, Celle qu'on attendait (1990), Poésie/Gallimard, 2019, p.73 à 77.

Je découvre la poésie de Jean-Marie Barnaud à l'heure où s'installent et chatoient dans les parcs et jardins alentour les premiers feux de l'automne.
Me reviennent en mémoire nos longues promenades à l'automne par les sentiers de la forêt de Fontainebleau. Nous rentrions fourbus mais grisés d'air pur, de senteurs et de chaudes couleurs.

Entrée depuis dans la clarté des heures sobres, j'écoute le poète s'interroger sur la mort :
    

                          Dans la faille du temps
                           Irons-nous à la mort
                      Comme de bons marcheurs
                  À grandes foulées vers l'incendie
                 Sourds aux écorces qui pourrissent

                    ibid Le dit de la pierre, p.35

La réponse à cette question nous sera-t-elle donnée avant d'être sous terre? Peu importe, l'essentiel est de tenter de vivre d'ici-là en fidélité avec nous-mêmes.

Bibliographie:

  • Jean-Marie Barnaud, Sous l'imperturbable clarté, Poésie/Gallimard, 2019

sur internet :

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