Port des Barques

Port des Barques

vendredi 25 octobre 2019

À propos de Diderot face à un tableau de Chardin en 1763

 
Denis Diderot écrivait à propos d'un tableau de Chardin, exposé au Salon de peinture de 1763, ceci:

         Il y a au Salon plusieurs petits tableaux de Chardin; ils représentent presque tous des fruits avec des accessoires d'un repas. C'est la nature même; les objets sont hors de la toile et d'une vérité à tromper les yeux.

         Celui qu'on voit en montant l'escalier mérite surtout l'attention. L'artiste a placé sur une table un vase de vieille porcelaine de la Chine, deux biscuits, un bocal rempli d'olives, une corbeille de fruits, deux verres à moitié pleins de vin, une bigarade avec un pâté.

         Pour regarder les tableaux des autres, il semble que j'aie besoin de me faire des yeux; pour voir ceux de Chardin, je n'ai qu'à garder ceux que la nature m'a donnés et m'en bien servir.

         Si je destinais mon enfant à la peinture, voilà le tableau que j'achèterais. "Copie-moi cela, lui
dirais-je, copie-moi cela encore." Mais peut-être la nature n'est-elle pas plus difficile à copier.

         C'est que ce vase de porcelaine est de la porcelaine ; c'est que ces olives sont réellement séparées de l'œil par l'eau dans laquelle elles nagent; c'est qu'il n'y a qu'à prendre ces biscuits et les manger, cette bigarade l'ouvrir et la presser, ce verre de vin et le boire, ces fruits et les peler, ce pâté et y mettre le couteau.

         C'est celui-ci qui entend l'harmonie des couleurs et des reflets. Ô Chardin ! Ce n'est pas du blanc, du rouge, du noir que tu broies sur ta palette : c'est la substance même des objets, c'est l'air et
la lumière que tu prends à la pointe de ton pinceau et que tu attaches sur la toile.

(extrait)

in Les Représentations du monde, Éditions Flammarion, 2019, p.p.136/137
 

 

Fichier:Jean Siméon Chardin - Still-Life with Jar of Olives - WGA04777.jpg

Le bocal d'olives. Jean-Siméon Chardin. 1760.


En 1923, André Masson, peignait le Casse-croûte, ci-dessous, probablement entré en juin 1925 dans la collection de Gertrude Stein, célèbre collectionneuse américaine .

Cent soixante années séparent ces deux natures mortes . Qu'aurait dit Diderot de la seconde et qu'en pensent ceux qui ont encore besoin de se "faire des yeux "?




           André Masson, Le casse-croûte, 1923

Pour moi, qui n'ai découvert Le Louvre et la peinture des grands maîtres qu'à l'âge de 13 ans, je crois très fort qu'on ne vibre que par les sens et le cœur à l'œuvre d'un artiste. Ainsi, une toile peut vous séduire, vous bousculer, vous subjuguer ou vous laisser indifférent puis vous parler, bien des années plus tard.
De même, on achète un tableau sur un coup de cœur. On lui trouve une place dans son intérieur, on vit avec jusqu'à se sentir comblé! Un jour venu, la mort vous en sépare et puis voilà !
La grande collectionneuse que fut Gertrude Stein ne dirait pas le contraire ! Et vous?

André Masson a également peint le plafond du théâtre de l'Odéon, à la demande d'André Malraux, en 1965.
Les liens internet, indiqués plus bas, vous en diront davantage.

Bibliographie:
  • Les représentations du monde, Pixellence, Black Print
sur internet:


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