Port des Barques

Port des Barques

vendredi 10 août 2018

Bruno Mabille, sous l'allant du soleil



         Si seulement de la mer
         il venait un peu d'air

         que remuent les herbes
         et les plumes des roseaux

         que bruissent les fanions
         tout en haut des mâts

         et que le vagabond sur la jetée
         bouche ouverte tête nue
         peu à peu reprenne vie.

         in À celle qui s'avance, chapitre III p.92, Gallimard 2012

Par une journée de chaleur, cloitrée à la maison, je découvre les poèmes de Bruno Mabille, si bien accordés à ce mois d'août. Le poète est né en novembre 1961 à Nancy, et vit aujourd'hui en région parisienne.

          Une sensation de profondeur
          et de souveraine ampleur
          m'a brusquement secoué
          comme l'aurait fait une vague
          de la tête aux pieds
          jusqu'à ce que j'échoue
          après un temps interminable
          au comble de l'abandon
          le long d'un banc de sable
          avec dans les poumons
          l'odeur amère des algues.

          ibid p.93

À cette lecture, me reviennent en mémoire les longues journées d'enfance passées à déjouer la solitude à l'ombre d'une grande maison silencieuse : le temps d'un été c'est notre petit monde plus fragile qu'un château de cartes qui se lézarde et menace de s'écrouler. Depuis,

          Le monde est devenu tel
          qu'aujourd'hui
          les anges battent de l'aile
          et s'asphyxient

          ils peinent à garder l'équilibre
          en haut des cimes
          d'où tombent leurs élytres

          le soufre des nues
          a désuni la cohorte.

          ibid p.90

          Tous ces oiseaux sentinelles
          finiront par tomber avec la nuit
          ou voleront bas

          je me sens quant à moi
          pousser des ailes
          et une force qui résiste à l'attraction

          tout subitement devient plus grand

          je prends le ciel à témoin
          en cet instant me voilà roi.

          ibid p.91

          Le vent nous faisait des yeux de fous
          des yeux d'impatience
          si petits et si lumineux
          qu'il fallait les cacher
          derrière nos mains
          pour chasser les ombres.

          ibid p.67

Il n'est plus rien à exiger ni à cacher, il reste juste à accueillir ce qui vient avec sérénité et gratitude, sachant que le temps apaise toute quête et que la poésie demeure l'amie fidèle de chaque instant.


         Quelque chose s'est perdu
         mais quoi

         le sel coule goutte à goutte
         et glisse entre les doigts

         dans la mouvance de l'air
         le vent disperse et brasse
         le flux limpide des particules

         sous l'allant du soleil
         la vie file son cours
         comme à l'ordinaire.

         ibid p.96

bibliographie :

  • À celle qui s'avance, poèmes, Bruno Mabille, Gallimard, 2012

sur internet:



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