Si seulement de la mer
il venait un peu d'air
que remuent les herbes
et les plumes des roseaux
que bruissent les fanions
tout en haut des mâts
et que le vagabond sur la jetée
bouche ouverte tête nue
peu à peu reprenne vie.
in À celle qui s'avance, chapitre III p.92, Gallimard 2012
Par une journée de chaleur, cloitrée à la maison, je découvre les poèmes de Bruno Mabille, si bien accordés à ce mois d'août. Le poète est né en novembre 1961 à Nancy, et vit aujourd'hui en région parisienne.
Une sensation de profondeur
et de souveraine ampleur
m'a brusquement secoué
comme l'aurait fait une vague
de la tête aux pieds
jusqu'à ce que j'échoue
après un temps interminable
au comble de l'abandon
le long d'un banc de sable
avec dans les poumons
l'odeur amère des algues.
ibid p.93
À cette lecture, me reviennent en mémoire les longues journées d'enfance passées à déjouer la solitude à l'ombre d'une grande maison silencieuse : le temps d'un été c'est notre petit monde plus fragile qu'un château de cartes qui se lézarde et menace de s'écrouler. Depuis,
Le monde est devenu tel
qu'aujourd'hui
les anges battent de l'aile
et s'asphyxient
ils peinent à garder l'équilibre
en haut des cimes
d'où tombent leurs élytres
le soufre des nues
a désuni la cohorte.
ibid p.90
Tous ces oiseaux sentinelles
finiront par tomber avec la nuit
ou voleront bas
je me sens quant à moi
pousser des ailes
et une force qui résiste à l'attraction
tout subitement devient plus grand
je prends le ciel à témoin
en cet instant me voilà roi.
ibid p.91
Le vent nous faisait des yeux de fous
des yeux d'impatience
si petits et si lumineux
qu'il fallait les cacher
derrière nos mains
pour chasser les ombres.
ibid p.67
Il n'est plus rien à exiger ni à cacher, il reste juste à accueillir ce qui vient avec sérénité et gratitude, sachant que le temps apaise toute quête et que la poésie demeure l'amie fidèle de chaque instant.
Quelque chose s'est perdu
mais quoi
le sel coule goutte à goutte
et glisse entre les doigts
dans la mouvance de l'air
le vent disperse et brasse
le flux limpide des particules
sous l'allant du soleil
la vie file son cours
comme à l'ordinaire.
ibid p.96
bibliographie :
- À celle qui s'avance, poèmes, Bruno Mabille, Gallimard, 2012
sur internet:
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire