copies miniatures des bidons dans lesquels, avec des bruits aigus, il avait été ramené des fermes
de Morières ou de Réalpanier.
Un coup de vent soulevait les feuilles et les morceaux de papier, qui iraient insensiblement
s'accumuler au fond des impasses, contre les haies de cyprès ou de fusains, dans les creux et
les racines des terrains vagues.
On marchait lentement. Tout d'ailleurs était lent, quoique sans apparente hésitation.
Il y avait dans le monde une odeur indéfinissable, mais si forte que parfois, aujourd'hui encore,
quand le soir cogne un peu fort aux vitres ou quand le matin surprend nos sens, la revoilà, qui
monte à travers les secondes privilégiées.
Cette odeur, si on la laisse courir, réveille des noms, des visages, des formes, et puis
aussi de longues marches insouciantes, des attentes interminables dans des cafés,
au fond de campagnes épaisses ou de villes désabusées.
Alors se lève une musique élémentaire : vent contre volet, pluie sur de la tôle, tuyauterie dans
les murs, grincement du bois, chaise sous le poids du corps.
Et des mots se penchent au-dessus de votre épaule pour venir lire le blanc si ambigu de cette
page où vous accrochez un ultime espoir de réponse.
L'on s'y accrochait, ajoutant son propre poids au poids de ce fragile indice.
Et les choses ainsi pouvaient continuer encore un peu.
*
in Jours sans intervalles, de Gil Jouanard, in Argile printemps 1981, Maeght éditeur.
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