Port des Barques

Port des Barques

vendredi 7 juin 2024

Antonio Ungar, en attendant d'être arrivé à la cime de ma montagne....


          
            Je grimpe à un autre arbre, un autre qui n'est pas le poivrier, ni le noyer. ni l'un de ces saules 
      qui veulent mourir. Je grimpe sur un arbre élevé et maigre, bossu, un arbre timide qui se cache 
      toujours au fond, derrière les autres, derrière les pierres, encore plus derrière. Un arbre ébouriffé 
      et timide. Et  grimpé là, je ne fais rien. 
      Je sens la branche de l'arbre sous mes jambes, je sens que l'arbre regarde d'un autre côté encore, 
      mais nous sommes là. 
      Je réussis à serrer entre mes bras la branche, je pose ma tête sur  l'écorce et je ne suis plus un 
      tigre, un grand et lourd tigre qui regarde le monde. 

      Je suis un autre tigre, différent. Un tigre de papier. Léger, transparent, vide d'air. Vide de la maison, 
      qui n'a pas été emportée par un vent violent mais qui en revanche a disparu ; vide de la terre que 
      je connais déjà;  vide de cet incendie du ciel si lointain qui n'est pas à moi; vide de tout ce qui s'est              passé dans la maison. 
      Rien que de l'air dans un tigre de papier, rien, l'odeur de cet eucalyptus qui ne me regarde pas. 

      in Les oreilles du loup, Antonio Ungar,  Les éditions Les Allusifs, 2008, pour la traduction 
      française.
 

      

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