Je grimpe à un autre arbre, un autre qui n'est pas le poivrier, ni le noyer. ni l'un de ces saules
qui veulent mourir. Je grimpe sur un arbre élevé et maigre, bossu, un arbre timide qui se cache
toujours au fond, derrière les autres, derrière les pierres, encore plus derrière. Un arbre ébouriffé
et timide. Et grimpé là, je ne fais rien.
Je sens la branche de l'arbre sous mes jambes, je sens que l'arbre regarde d'un autre côté encore,
mais nous sommes là.
Je réussis à serrer entre mes bras la branche, je pose ma tête sur l'écorce et je ne suis plus un
tigre, un grand et lourd tigre qui regarde le monde.
Je suis un autre tigre, différent. Un tigre de papier. Léger, transparent, vide d'air. Vide de la maison,
qui n'a pas été emportée par un vent violent mais qui en revanche a disparu ; vide de la terre que
je connais déjà; vide de cet incendie du ciel si lointain qui n'est pas à moi; vide de tout ce qui s'est passé dans la maison.
Rien que de l'air dans un tigre de papier, rien, l'odeur de cet eucalyptus qui ne me regarde pas.
in Les oreilles du loup, Antonio Ungar, Les éditions Les Allusifs, 2008, pour la traduction
française.
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