Tout va bien
La première fois que quelqu'un a posé ses mains
sur moi d'une manière tout à fait différente
de celle dont jusqu'à ce jour, j'avais l'habitude,
une manière tout à fait différente
et à la fois chargée d'images, de promesses
et de responsabilités que je n'étais, pas encore,
en mesure de comprendre,
la première fois que quelqu'un
a posé ses mains sur moi,
ce geste fut accompagné
de quelques mots simples :
"Tout va bien et tout ira bien",
après cela
j'ai répété, à mon tour, ces paroles douces
en d'autres occasions,
mais toujours, toujours, la même façon
de tendre la voix dans une gorge serrée,
toujours, toujours, les yeux clairs qui fouillent
d'autres yeux clairs pour qu'ils ne les oublient pas,
" Tout va bien et tout ira bien", pour certaines
pour certains, cette phrase apparaît comme un moyen
facile et rapide de mettre fin à ce genre de scrupules
qui précèdent généralement un baiser long,
profond,
une chemise qu'on retire, un sein qu'on frôle, mais
pourtant, je n'ai pas dit cela pour gagner, je n'ai pas
dit cela pour vaincre et je ne dirai jamais cela
pour mentir à quelqu'un que j'aime et qui a peur,
mais qu'est-ce aimer sinon montrer les dégâts
causés par sa propre terreur, qu'est-ce aimer
sinon répéter, sincèrement, comme un moine
devant la statue d'une vierge aux paupières closes,
"Tout va bien et tout ira bien" ?
Dans les pires moments et les fins d'après-midi
chaudes, dans les aubes que des chagrins voraces
ont sali, aux rives de lacs gelés comme au bas
d'immeubles gris, mille fois j'ai pensé
à cette première fois, à la façon dont
les mains, les yeux, la bouche se joignent
en un cortège bancal, et lorsqu'il m'arrive
de croire que tout espoir fut porté en vain,
je repense à ces mots, à la vie qui recommence
dans chacune de leurs syllabes :
"Tout va bien et tout ira bien."
in " Les Ronces", Cécile Coulon, Le Castor Astral, Poche/Poésie, 2021, p.p. 24/25
Cécile Coulon est née en 1990, dans le Puy- de -Dôme. Sportive, à l'image de ses deux parents, elle est une fervente de la course à pied, qui a consacré sa thèse de Lettres modernes au sujet: "Sport et Littérature"!
Précoce, elle publie son premier roman, Le voleur de vie, à l'âge de 17 ans! Six livres suivront...accueillis avec succès.
Ainsi écrit-elle dans son Petit éloge du running, paru aux éditions François Bourin : " Tout à coup, le cerveau, qui baigne dans ce magma de plaisir, de douleurs, d'effort, ne retient que l'essentiel".
Courir
La course, la vraie, est une fureur carnivore. Un astre brûlant caché dans les jointures du corps; elles grincent, la nuit, comme un
miracle froissé. Une force qui rugit, à laquelle nous sommes forcés de croire puisqu'il n'y a qu'elle qui puisse suspendre aux crochets des montagnes des femmes et des hommes emplis de cette beauté brutale
qui ne supporte ni la lenteur, ni les cris, ni ces bouquets d'amnésie qu'on s'offre pour éviter d'avoir mal. Courir c'est le langage des ténèbres né dans une bouche humide de sueur, de larmes et de salive.
A l'heure où les familles passent à table, où les enfants vont dormir et les vieillards s'efforcer de survivre, la course, la vraie, s'ébroue dans la pénombre et ses lucioles en furie font un cortège immense aux paupières de la nuit."
ibid p.p.87/88
Ces derniers mots de l'auteur ont réveillés en moi un souvenir: celui d'un féerique ballet de lucioles, par une nuit de pleine lune de juillet, entre les pierres levées du site mégalithique de Carnac.
Bibliographie:
Céline Coulon, Les ronces, Le Castor Astral, Poche/Poésie, 2021
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