Port des Barques
samedi 24 octobre 2020
vendredi 9 octobre 2020
Antoine Émaz, le temps d'un écart
on est devant un éboulis
on ne voit pas
ce qui s'est écroulé
sûrement pas des rêves
cela ne laisserait pas
ce tas de gravats
comme des statues pilées
dans les blancs-gris
on ne voit pas quoi qui
du chirico démoli
en tas devant dedans
pas d'angoisse juste
qu'est-ce que c'est que ce
rien ne remue plus
une lumière mentale égale
sur un rebut d'images
in De l'air, I.V. Trajets dedans seul, le dé bleu, L'idée bleue, 2006, p.71
Plus loin, dans le "Mou", la situation ne fait empirer:
dans la pluie et le gris
les ardoises luisent
on descend doucement
dans cette lumière venue du noir
le temps n'a plus de poids
on est sorti du cadre et passe
de l'autre coté de l'agenda
les repères mollissent
on se distend
ibid p.81
"Dans la lumière brute", "on ferait mieux de s'atteler à la semaine qui vient", suggère alors le poète, ivre et comme "allégé du dedans" :
une plongée sans peur
sans résistance interne
une sorte de pente brusque
et ça verse sans fin autour
on ne bouge pas
c'est le reste qui fuit
poussé sur les bords
où l'œil ne voit plus
une force déblaie on est
dans cette force
on la nomme rire
pour faire court
il n'y a rien de drôle
juste une surprise brusque
d'être sorti en soi
happé par un vide
on le connaît
mais d'ordinaire il est fermé
le rire file dans cette part au-delà
après ce qu'on peut voir
avec les mots
le plus proche serait peut-être
le rire muet des carcasses et leur danse
une sorte de transe
jusqu'à plus rien que la lumière
ce n'est pas tomber à n'en plus finir
il n'y a pas de peur dans ce trajet
cette boucle imprévue ou spirale
jusqu'à la verticale du temps
ensuite ça se défait on voit de nouveau
coaguler les murs
revenir les mots
et l'ordinaire étroit du jour
***
on écrit sur ce retour
au bout du rire
il n'y avait pas de mots
on en est sûr
pas d'images ni souvenirs
on a seulement été d'un coup
désencombré d'être
comme tout en vrac hors
le linge sale d'une vie
ibid p.p.78/79
À notre tour de tenter l'expérience du "vide" pour mieux profiter de l'insolite du moment.
Je vous invite vivement à lire ou relire deux beaux articles rédigés à propos de l'auteur. L'un de Jacques Décréau, paru sur La Pierre et le sel, en 2011, sous le titre: Antoine Émaz, "une poète lucide". L'autre de Jean Gédéon, paru également sur La Pierre et le sel, en juin 2012, et intitulé: Antoine Émaz, une poésie de peu.
Bibliographie:
De l'air, d'Antoine Émaz, paru chez Le Dé bleu, l'Idée bleue, 2006
sur internet:
https://remue.net/cont/emaz.html
vendredi 2 octobre 2020
Andrée Chedid, un poème pour un temps impérissable
L'après
Alarmé par le dernier passage
Miné par l'Au-delà
L'homme crée et recrée
Un temps impérissable
Trace et retrace
Les pistes de l'Après
Ses vérités adverses
Éclairent ou massacrent
Ses credos ennemis
Illuminent ou dévastent
Voilé dans son mutisme
L'après
Demeure énigme
Et l'au-delà
Chiffré
in Territoires du souffle, poésie, Flammarion, p.169, 1999
Pour en savoir davantage sur l'auteur, ne manquez pas de lire ou relire les articles précédents dont vous trouverez les liens ci-dessous.
Bibliographie:
Andrée Chedid, Territoires du souffle, poésie, Flammarion, 1999
sur internet :
http://lintula94.blogspot.com/2018/11/andree-chedid-dans-la-forge-de-son.html
https://pierresel.typepad.fr/la-pierre-et-le-sel/2012/02/actu-po%C3%A8me-non-%C3%A0-la-barbarie.html