Une éclaircie, le poème; l'éclaircie, par principe, est fugitive :
si tu veux la retenir, tu n'as rien compris, elle te quitte.
D'un poème écrit dans l'urgence il y a vingt, il y a quarante ans,
le sens ne se propose à son gré que le moment venu, il agissait en
filigrane. Ne te hâte pas de dégager le sens de ta vie, tu ne diras
plus "ta vie".
Qui est-il, l'enfant que de plus en plus tes poèmes évoquent ?
Jamais tu n'as revu la maison d'autrefois, tu ne regardes jamais les
les photographies qu'ont prises tes parents, tu n'y retrouverais qu'un
fantôme. Aussi n'est-ce pas la mémoire, à proprement parler, qui est
en jeu à travers ces poèmes. Au passé ils empruntent quelques images
qu'ils projettent vers un horizon inattendu, ils ressuscitent le temps de
la première fois. Ce temps-là, comme l'enfance est toujours neuf.
Combien d'années derrière toi, et combien devant toi désormais?
Tu ne compteras pas, mais ce qui échappe aux calculs, à la possession,
les poèmes, échappe à l'angoisse de la chute, un enfant t'y précède.
Il sort de sa chambre, il parcours de longs couloirs sombres, il ouvre,
ébloui, en reprenant son souffle, la porte du jardin.
Tous ceux que tu avais perdus de vue, tu redoutais que leur absence
ne soit définitive, le poème ne les a pas perdus d'écoute. Il réveille les échos,
avec eux la vision se ranime, comme en hiver la rumeur d'un feuillage.
in Gratitude augurale, Pierre Dhainaut, Le loup dans la véranda, 2015, p.p.9 et10.
Le "loup" du jour a pris la forme d'un virus galopant à travers la planète, à nous de le combattre à coups de poésie, d'amitié et d'intériorité!
Bibliographie:
Pierre Dhainaut, Gratitude augurale, éditions Le Loup dans la véranda, 2015
sur internet:
deux précédents articles de Roselyne Fritel parus sur La Pierre et le sel :
Pierre Dhainaut, Ce lieu où les mouettes sont plus blanches , 15/1/2016
Pierre Dhainaut, en la complicité des souffles, 18/10/2012
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