Port des Barques

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vendredi 8 mai 2020

Jean-Yves Masson, tel un funambule dans le matin


                               

                                                  XVIII

         Enfant dans le matin des lys qui voulais t'appuyer
           contre le ciel, lancer des ponts, danser dans les étoiles,
               toi l'insoucieux de toute pesanteur, il te fallut

         apprendre de quel poids la lumière qui fait lever
           les blés pèse sur cette terre, comment pour puiser le sommeil
               les paupières deviennent lourdes, et comment une fleur

         porte son poids d'abîme sur sa tige. Tu connais
            maintenant le prix de ton désir : va par ce chemin d'air
                que ta ferveur invente, funambule.

         in Neuvains du sommeil et de la sagesse, Cheyne éditeur, 2007, p.30

Rien ne vaut un funambule pour déjouer l'enfermement, rien ne vaut un poète fervent pour redéployer l'espace. Jean-Yves Masson tient magnifiquement ce rôle à nos cotés, aujourd'hui, avec ces neuvains.


                                       LXI

         Cette folle rumeur qui me vient de l'enfance
         et dort au fond de moi toute d'ombre et de nuit,
         c'est la douce chanson de mon pays d'absence.

         Et toi grand sommeil noir qui guettes sous les branches
           et rampant sous le lierre t'endors près du vieux puits,
             sang invisible dans les veines de la terre

          tu bats encore dans ces mots que je rassemble
           et tisse l'un à l'autre avant que tu ne viennes,
             avant que l'aube nue me dépouille de moi.

          ibid, p.73

                                                 I

          Sommeil, mon confident que je crains de trahir,
             silencieusement près du puits de sagesse
                où chaque être s'accorde à son désir, tu poses

           tes mains sur l'innocence du visage, tu désarmes
             le mensonge et l'orgueil, rallumes dans le cœur
                le feu qui le maintient en vie. Sommeil ô

           montreur d'ombres ! mémoire de la terre,
               donneur de force qui enseignes
                  aux yeux absents le prix d'une heure de lumière.

           ibid, p.13

Les textes ci-dessus semblent avoir été écrits pour nous réconforter à l'approche d'un semblant de retour à la vie, après ces longs jours de confinement.
Saurons-nous marcher sans faux-pas dans un monde masqué, où chacun devra maintenir la distance d'avec ses congénères ? Saurons-nous aller de l'avant sans un constant sentiment de crainte de voir redoubler d'ardeur le virus tueur? L'avenir le dira.
        

Bibliographie:

  • Jean-Yves Masson, Neuvains du sommeil et de la sagesse, Cheyne Éditeur, 2007
sur internet:

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