Port des Barques

Port des Barques

vendredi 6 mars 2020

Sándor Weöres, c'est ainsi que couraient les fleurs



         La course des girafes telle un rêve,
         une lente nage dans les airs,
         c'est ainsi que couraient les fleurs.

         Sándor Weöres, in filles, nuages, papillons, érès éditions, 2019

         Ô n'emporte pas
         dans ton regard
         les rayons du soleil !
         Ne pars pas, attends-moi
         car ce pays
         s'enfonce dans l'ombre.

         La branche ne se balance pas
         l'hirondelle ne s'envole pas,
         le paysan ne moissonne pas.
         Ô n'emporte pas
         dans ton regard
         les rayons de soleil !

         ibid

Nous devons à Cécile A.Holdban, poète, traductrice et peintre, le plaisir de découvrir en français ces poèmes de Sándor Weöres, traduits par elle du hongrois, langue de leur auteur.
Ce dernier, né en Hongrie en juin 1913, publie son premier recueil, Il fait froid, à l'âge de 21 ans et s'impose aussitôt comme un des meilleurs poètes de sa génération. Il connaitra par la suite un silence forcé sous le régime communiste, ne vivant plus que de ses traductions et ceci jusqu'en 1964 . Il s'éteindra le 22 janvier 1989, à Budapest.

          Je m'interroge. Des oiseaux monstrueux
          se posent en rangs lourds sur mes bras,
          s'évanouissent et se fondent dans l'alphabet.

          ibid

          La fumée descend dans le soir silencieux.
          Les chats se tapissent guettant la traite.
          Les petits chevaux sommeillent debout, leurs rêves
          dessinés sur le foin dans un chaos d'idéogrammes.
          L'ombre du puits s'allonge brune sur le sable,
          rampe violette sur le mur de l'appentis.

          ibid

          Les fleuves

          Les fleuves résonnent l'un dans l'autre
          paraissent s'entrelacer l'un l'autre
          abandonnant leur propre déclin
          sur un chemin d'exil
          sur un galop imprenable
          maintenant et pour longtemps encore.

          ibid

          Le silence des lettres
          sur le papier.

          ibid

          Un souffle caché s'érige
          dans l'obscurité.

           ibid

Derrière le rideau de fer, nombre d'artistes et de créateurs furent, comme lui, muselés et réduits au silence, cependant il leur restait leur fierté :

           Je suis parti loin et je suis là
           je ne pourrai jamais revenir de moi.

           ibid

Les derniers mots du recueil résument en deux lignes ce douloureux passé :
         
            La porte close regarde la porte close.
            Ils sont tant à habiter entre les deux, innombrables !

alors que le titre du recueil ironise en annonçant: filles, nuages et papillons !



Bibliographie:

  • filles, nuages et papillons, Sandor Weöres, poèmes choisis et traduits du hongrois par
         Cécile A.Holdhan, encres d'Annie Lacour, éditions érès 2019.

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