Pierre Reverdy est né en 1889 à Narbonne, il meurt à Solesmes en 1960. René-Guy naît en 1920
à Sainte Reine de Bretagne et meurt en 1951, à Louisfert, en Loire-Atlantique. Tous deux
sont poètes, le second admire tout particulièrement son aîné.
Il m'a semblé intéressant de rapprocher deux de leurs témoignages à propos de leur choix de
l'écriture.
René-Guy Cadou rédige ce texte le 9 août 1944 :
Les secrets de l'écriture
Je n'écris pas pour quelques-uns retirés sous la lampe
Ni pour les habitués d'une cité lacustre
Pour l'écolier attentif à son cœur
Non plus pour cet enfant paresseux qui sommeille
Entre mes bras depuis cents ans
Mais pour cet homme qui dépassé par l'orage
N'entend pas la rumeur terrestre de son sang
Ni l'herbe le flatter doucement au visage
J'écris pour divulguer ce qui vient des saisons
La neige pure ainsi qu'une main féminine
Et le pollen éparpillé sur les gazons
Aussi l'agneau qui fait le calme des montagnes
J'écris pour dépasser la crue noire du temps
Tandis que les oiseaux et les fleurs me précèdent
À cette auberge au bord du ciel où les passants
Trouvent des couches étoilées et des vaisselles
Pleines de fruits et de soleils encourageants
Mais reste au fond de moi le plus clair de ma vie
Qui ne supporte pas le poids de la parole
Ces mots d'amour qui ne seront jamais écrits
Et la lumière de mon cœur toujours la plus haute
Aveuglante comme une poignée de sel gris.
9 août 1944
in René-Guy Cadou, Poésie la vie entière, Poèmes inédits, 1977 p.p 371/372
Pierre Reverdy, son aîné, témoigne en fin de vie du bonheur des mots dans
La Liberté des mers, qui ne paraitra que bien après son décès, en 1978 :
Le Bonheur des mots
Je n'attendais plus rien quand tout est revenu,
la fraîcheur des réponses, les anges du cortège, les
ombres du passé, les ponts de l'avenir, surtout la
joie de voir se tendre la distance. J'aurais toujours
voulu aller plus loin, plus haut et plus profond et
me défaire du filet qui m'emprisonnait dans ses
mailles. Mais quoi, au bout de tous mes mouve-
ments, le temps me ramenait toujours devant la
même porte. Sous les feuilles de la forêt, sous les
gouttières de la ville, dans les mirages du désert
ou dans la campagne immobile, toujours cette
porte fermée – ce portrait d'homme au masque
moulé sur la mort, l'impasse de toute entreprise.
C'est alors que s'est élevé le chant magique dans
les méandres des allées.
Les hommes parlent. Les hommes se sont mis
à parler et le bonheur s'épanouit à l'aisselle de
chaque feuille, au creux de chaque main pleine
de dons et d'espérance folle. Si ces hommes par-
lent d'amour, sur la face du ciel on doit aperce-
voir des mouvements de traits qui ressemblent à
un sourire.
in Pierre Reverdy, Sable mouvant, La liberté des mers, Poésie/Gallimard, 2003, p.51
Ces mots ne peuvent que conforter dans leur choix d'écrire ceux qui s'essaient
encore à la poésie et encourager ceux qui la lisent et la divulguent.
Bibliographie:
- René-Guy Cadou, Poésie la vie entière, Œuvres Poétiques complètes, Seghers 1977.
- Pierre Reverdy, Sable mouvant, Poésie/Gallimard, 2003
- un article sur René-Guy Cadou rédigé par Roselyne Fritel :
- un article sur Pierre Reverdy rédigé par Roselyne Fritel : http://lintula94.blogspot.fr/2017/01/pierre-reverdy-une-voix-dans-loreille.html
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