Port des Barques

Port des Barques

vendredi 23 mars 2018

Marie Noël Le Grand Vent qui courait



           Le Grand Vent qui courait, un soir qu'il était las
           De courir – Après quoi? ... Bah : il ne le sait pas –
           À travers ce si long, si haut, si large monde,
           Un soir, sortant plaintif de la forêt profonde,
           A, pour se reposer – il avait bien raison ! –
           Épousé sur–le–champ la Petite Maison.
           Il est entré dedans, rude, effrayant les portes,
           Avec tout un délire épars de feuilles mortes,
           De poussières, de graines folles ; la chanson
           Des oiseaux, des clochers, des sources ; le frisson
           Des herbes, des roseaux, des branches, des ramées ;
           Les nuages, le clair de lune, les fumées,
           Des brouillards en lambeaux déchirés aux buissons...
           Il est entré... Soudain, les lampes allumées
           Dans la chambre ont penché la tête brusquement
           Et tandis qu'il laissait mélancoliquement
           Tomber sur le plancher craintif son manteau sombre
           Plein encore du soir inquiet d'alentour,
           La Petite Maison l'a entouré d'amour,
           La Petite Maison la serré dans son ombre,
           La Petite Maison l'a, dans son cœur fermé,
           Tendrement abrité, rasséréné, calmé,
           La Petite Maison l'a, dans sa paix amie,
           Tant bercé que son âme au chaud s'est endormie.
           Et pendant qu'il dormait, elle a bien proprement
           Balayé la poussière et le frisson charmant
           Des herbes, des roseaux, des brandes, des ramées,
           Des nuages ; le clair de lune, les fumées,
           Les semences, les feuilles mortes, la chanson
           Des oiseaux, des clochers, des sources, pêle-mêle,
           Et prompte, avant de battre au mur son paillasson,
           Les a jetés dehors, secouant avec zèle
           Sur le seuil son balai encore tout plein d'ailes.

           (extrait)

          in Les chansons et les heures, Marie Noël, L'œuvre poétique, Stock 1975, p.p.83/84

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