Port des Barques

Port des Barques

vendredi 11 novembre 2016

Sur les pas de Musset, George Sand et d'autres... à Venise

            

            Dans Venise la rouge,
            Pas un bateau qui bouge,
            Pas un pêcheur dans l'eau,
            Pas un falot.

            Seul, assis à la grève,
            Le grand lion soulève,
            Sur l'horizon serein,
            Son pied d'airain.

            Autour de lui, par groupes,
            Navires et chaloupes,
            Pareils à des hérons
            Couchés en ronds

            Dorment sur l'eau qui fume,
            et croisent dans la brume,
            en légers tourbillons,
            leurs pavillons.

            La lune qui s'efface
            Couvre son front qui passe
            D'un nuage étoilé
            Demi- voilé.

            Ainsi, la dame abbesse
            De Sainte-Croix rabaisse
            Sa cape aux larges plis
            Sur son surplis.

            Et les palais antiques,
            Et les graves portiques,
            Et les blancs escaliers
            Des chevaliers,

            Et les ponts et les rues,
            Et les mornes statues
            Et le golfe mouvant
            Qui tremble au vent,

            Tout se tait, fors les gardes
            Aux longues hallebardes,
            Qui veillent aux créneaux
            Des arsenaux.

            – Ah! maintenant plus d'une
            Attend au clair de lune,
            Quelque jeune muguet,
            L'oreille au guet.

            Pour le bal qu'on prépare
            Plus d'une qui se pare,
            Met devant son miroir
            Le masque noir.

            Sur sa couche embaumée
            La Vanina pâmée
            Presse encor son amant
            En s'endormant.
 
            Et Narcissa, la folle,
            Au fond de sa gondole,
            S'oublie en un festin
            Jusqu'au matin

            Et qui, dans l'Italie
            N'a son grain de folie?
            Qui ne garde aux amours
            Ses plus beaux jours?

            Laissons la vieille horloge
            Au palais du vieux doge,
            Lui compter de ses nuits
            Les longs ennuis.

            Comptons plutôt, ma belle,
            Sur ta bouche rebelle
            Tant de baisers donnés...
            Ou pardonnés.

            Comptons plutôt tes charmes,
            Comptons les douces larmes,
            Qu'à nos yeux a coûté
            La volupté !

            Alfred de Musset, in Premières poésies, 1828




Coucher de soleil sur La Salute, novembre 2016

 

                   Le soleil était descendu derrière les Monts Vicentins. De grandes nuées
            violettes traversaient le ciel au-dessus de Venise. La tour de Saint Marc, les coupoles de
            Sainte Marie, et cette pépinière de flèches et de minarets qui s'élèvent de tous les points
            de la ville se dessinaient en aiguilles noires sur le ton scintillant de l'horizon. Le ciel              
            arrivait, par une admirable dégradation de nuances, du rouge cerise au bleu de smalt;
            et l'eau, calme et limpide comme une glace, recevait exactement le reflet de cette immense
            irisation. Au-dessous de la ville elle avait l'air d'un grand miroir de cuivre rouge. Jamais je
            n'avais vu Venise si belle et féérique. Cette noire silhouette, jetée entre le ciel et l'eau ardente
            comme dans une mer de feu, était alors une de ces sublimes aberrations d'architecture que le
            poète de l'Apocalypse a dû voir flotter sur les grèves de Patmos quand il rêvait sa Jérusalem
            nouvelle, et qu'il la comparait à une belle épousée de la veille.

                    Peu à peu les couleurs s'obscurcirent, les contours devinrent plus massifs, les
            profondeurs plus mystérieuses. Venise prit l'aspect d'une flotte immense, puis d'un bois de
            hauts cyprès où les canaux s'enfonçaient comme de grands chemins de sable argenté.

            George Sand, in Lettres d'un voyageur, Nouvelle édition 1857, éditions Paris Michel
            Levy Frères, libraires, chapitre II, p.57

La Venise éternelle, que menace la mer, porte toujours en elle la magie séductrice, qui fit rêver des générations de peintres et de poètes.





Canaletto

 
Une plaque dans le quartier de La Salute rappelle Henri de Régnier, un autre amoureux de Venise, qui disait d'elle:
 

Car sinueuse et délicate
Comme l'œuvre de ses fuseaux,
Venise ressemble à l'agate
avec ses veines de canaux





 




 


 
 
Les photos incluses sont la propriété de Roselyne Fritel
 

sur internet:

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