Port des Barques

Port des Barques

vendredi 5 avril 2019

Jean-Baptiste Pedini, l'aube vient et défait les attaches du ciel



         Parfois il y a un bruit. L'aube vient et défait
         les attaches du ciel. Elle en libère l'ocre, l'irré-
         vérence. Les mots comme des entailles sur les
         nuages. On les dit à voix basse. On y tient. Le
         matin sort les griffes.

         in Le ciel déposé là, éditions L'Arrière-Pays , 2016, p.7

Ainsi se présente au lecteur ce petit recueil couleur de "demi-jour", acheté chez Tschann, à Paris. De son auteur je ne sais rien sinon ce que dit le bref résumé, en avant-dernière page, que je transcris, ici :
né en 1984 à Rodez, Jean-Baptiste Pedini vit actuellement dans le Gers. Des publications dans une trentaine de revue ( N47, Arpa, Décharge, Traction-brabant...) et des livrets parus chez – 36ème édition, Encres Vives et La Porte. Cependant l'envie de poursuivre ma lecture s'impose.

          Les stores s'agitent. On les remonte quand la
          lumière pointe son nez dans nos vies. Quand la
          pierre chauffe et que l'on sort, une couverture
          sur les épaules. Le balcon se remplit de soleil.
          Personne ne bouge de peur que ça déborde.

          ibid p.14

          Le matin se pose en douceur. Le soleil vient
          tout près d'ici. On le sent contre notre joue et la
          fenêtre ne bouge pas. Les couleurs se glissent
          posément dans les trous des volets. Comme un
          petit-arc-en -ciel que l'on vient de prétrancher.

          ibid p.18

          Une première ondée. On en a plein la tête de
          cette salissure-là. Il faut se remonter les
          manches et tordre les mots crus et s'armer de
          mélancolie pour faire barrage à la tempête.
          C'est ça. On débite un stère de ciel, une sciure
          jaune se répand. L'éclaircie vient.

          ibid p.19

La vie est là simple et tranquille au fil de cette lecture, comme si Verlaine nous faisait de sa tombe un léger geste de la main avant le désastre.

          À travers la vitre, on voit ce nid posé en équi-
          libre sur les branches. Tout est tellement
          précaire ici. Il y a la chute et les trompe-l'œil,
          les charges de chevrotine et cette ligne rouge qui
          vient. Les étourneaux passent haut dans le ciel.
          Tout ira bien.

           ibid p.23

           L'enfance s'est enlisée tout près. Le chien aboie
           dans le jardin et chaque rafale le fait bondir.
           C'est comme ça que les cœurs se détraquent.
           Dans l'angoisse d'un matin où les gamins
           s'ennuient, où l'eau s'épuise dans le sillage,
           où chaque sursaut rassure. On en est là.

           ibid p.25

Selon les jours et leur couleur, ces poèmes nous parlent bien différemment à l'oreille.

           Dès l'aube, on ne croit plus à la parole, ni aux
           rumeurs d'eau sucrée, ni aux langues qui les
           taisent, ni à la fièvre évidemment. On résiste
           avec la chair trempée de sueur. Les mots passent
           au travers et même l'horizon reste incompréhensible.
           On reviendra demain.

           ibid p.15

"On reviendra demain", j'aime la sagesse et l'humilité de ce délai, que s'autorise le poète; ailleurs, il va même jusqu'à tirer un trait, à fermer les stores, à s'effacer sans rien attendre après s'être aventuré sur le brûlot du firmament sans perdre forme humaine.
Ce mince recueil s'avère être un ami précieux, un livre de sagesse et d'audace contrôlée. Ce ciel déposé là tient dans un sac de femme. Il m'accompagne dans mes trajets quotidiens, bref il m'est devenu un compagnon fidèle.

Bibliographie:
  • Jean-Baptiste Pedini, Le ciel déposé là, éditions L'Arrière-Pays, 2016
sur internet: 
http://dominique-boudou.blogspot.com/2017/12/jean-baptiste-pedini-trouver-refuge.html

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